L’Ostéopathie « viscérale et crânienne » chez le nouveau-né : prudence ou innovation ?

L’ostéopathie viscérale et crânienne appliquée aux nouveau-nés suscite des interrogations croissantes au sein de la communauté scientifique et médicale. Alors que certains praticiens défendent les bénéfices de cette approche pour traiter des troubles fonctionnels courants chez les nourrissons, des voix médicales s’élèvent pour remettre en question sa légitimité et sa sécurité.

Le récent avis de l’Académie nationale de médecine, l’intervention d’associations d’ostéopathes, et une étude publiée dans PubMed viennent alimenter un débat riche en enjeux de santé publique.

L’avis tranché de l’Académie nationale de médecine

Le 3 décembre 2024, l’Académie nationale de médecine pointe ces approches ostéopathiques en les décrivant comme « sans fondement scientifique avéré, et d’efficacité et de sécurité non démontrées. »

Vous trouverez ci-dessous le communiqué complet.

La réponse d’Ostéopathes de France : entre clarification et appel à l’exigence

Face à cette prise de position, des associations professionnelles, comme Ostéopathes de France (OdF), défendent la place de l’ostéopathie dans l’accompagnement des nouveau-nés. Dans une tribune publiée le lendemain, on peut lire :

Elle semble ignorer que, l’ostéopathie est légalisée depuis 2002 et réglementée depuis 2007 puis en 2014 et que nous sommes constamment en contact avec les Autorités Ministérielles pour :

  • améliorer la formation initiale, telle qu’elle figure dans les recommandations de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) dans son rapport de 2022, en déléguant de manière plus importante certains cours à des professionnels de santé spécialistes de la périnatalité, comme cela est déjà pratiqué au sein de nombreux établissements de formation initiale.
  • améliorer l’évaluation des pratiques et la sécurité des patients en utilisant les résultats d’études prometteuses1 montrant à ce jour des effets indésirables peu nombreux et d’intensité faible à modérée, et en faciliter la réalisation de nouvelles…
  • éviter la promotion à caractère publicitaire des pratiques ostéopathiques, raison pour laquelle nous sollicitons les pouvoirs publics depuis plusieurs années et à nouveau pour la mise en place d’un Code d’Éthique et de Déontologie opposable et applicable à l’ensemble de la profession.

Des preuves scientifiques trop peu nombreuses mais prometteuses

Pour exemple, l’étude « A Randomized Controlled Trial of Osteopathic Manipulative Therapy to Reduce Cranial Asymmetries in Young Infants with Nonsynostotic Plagiocephaly » publiée en novembre 2022 offre un éclairage précieux sur cette controverse.

L’approche crânienne a montré significativement son effet sur les asymétries crâniennes lors de plagiocéphalie positionnelle du nourrissons.2

Discussion

Bien que les preuves scientifiques sont encore trop peu nombreuses, dire qu’il n’y a aucun « fondement scientifique avéré » est un regrettable raccourci.

Nous invitons à la plus grande prudence face aux avis tranchés, qui annoncent souvent « tout blanc » ou « tout noir » !

En sciences, chaque question ou hypothèse s’accompagne inévitablement de points de vue divergents.

  • D’une part, certains arguments ou expériences soutiennent une thèse, apportant des preuves qui confirment ou infirment des faits ou des théories.
  • D’autre part, il existe toujours des contre-arguments, des critiques méthodologiques ou des données contradictoires, qui viennent remettre en question les conclusions initiales.

Ce débat entre le « pour » et le « contre » est essentiel, car il permet de tester la robustesse des idées et de garantir une démarche rigoureuse. Ce n’est qu’après avoir examiné ces deux aspects que la communauté scientifique peut éventuellement parvenir à une conclusion3. Cette conclusion ne sera que rarement tout blanc ou tout noir, sera toujours temporaire et sujette à révision, au gré des nouvelles découvertes.

Un avis tranché n’est que rarement voire jamais objectif.

Rédigé par Michel Chêne, Ostéopathe D.O.


  1. Sources cités par OdF :
    1) Donatella Bagagiolo et al., A Randomized Controlled Trial of Osteopathic Manipulative Therapy to Reduce Cranial Asymmetries in Young Infants with Nonsynostotic Plagiocephaly, American Journal of Perinatology, Vol.39, 2022
    2) Samantha De Marsh et al., Pediatric Osteopathic Manipulative Medicine: A Scoping Review, PEDIATRICS, Vol.147 Numéro 2, Février 2021 ↩︎
  2. Vidéo Kookie Learning, Quelques mots des auteurs sur cette étude. https://www.facebook.com/reel/2928626560623718 ↩︎
  3. La conclusion peut même être : « Au vu des éléments actuels, nous ne pouvons pas affirmer que l’hypothèse est valide ou erronée. » ↩︎

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