La Revue de l’Ostéopathie N°30
Anglais

Éditorial

Essais cliniques : Utilisation du modèle de Zelen dans les essais contrôlés randomisés

Lors d’un essai randomisé classique, il est nécessaire d’informer le patient sur les bénéfices et les risques encourus durant l’essai : la randomisation n’est réalisée qu’après consentement éclairé du patient, ce qui peut créer un biais d’adhésion et rendre difficile le recrutement. Le protocole de Zelen, proposé en 1979 par le statisticien Marvin Zelen, vise à surmonter certains biais de comportement et de sélection des patients dans les essais cliniques [1].

En introduisant l’idée de randomisation avant consentement, Zelen voulait éviter les influences du processus d’information préalable sur les choix et comportements des participants. En effet, dans les essais cliniques classiques, les patients qui apprennent qu’ils ne recevront pas le traitement expérimental sont susceptibles de se désengager de l’étude ce qui peut fausser la comparabilité entre les groupes de traitement et de contrôle.

Le protocole de Zelen repose sur trois étapes :

  1. La randomisation est effectuée avant le consentement des participants, avant d’être informés de leur participation. Les participants sont d’abord assignés de manière aléatoire à un groupe de traitement ou à un groupe contrôle, avant même d’être informés de leur participation. Cette approche cherche à garantir l’objectivité de l’assignation et à éviter un biais de sélection, certains participants prenant leur décision de participer en fonction de leur affectation au groupe traité ou contrôle [2].
  2. Consentement différé : seuls les participants affectés au groupe traité reçoivent une information complète et sont invités à donner leur consentement éclairé. Les participants affectés au groupe contrôle continuent à recevoir le traitement standard sans être informés de leur inclusion dans l’essai afin d’améliorer l’adhésion à l’étude [3].
  3. Suivi et recueil des données : le recueil des données est systématique dans les deux groupes. En ne dévoilant pas leur participation aux sujets du groupe contrôle, la comparabilité optimale est maintenue. Cette méthode de consentement différé peut être éthiquement acceptable lorsque l’intervention proposée est de faible risque ou standard, mais peut être discutable dans des situations de plus haut risque [4].
  4. Les essais utilisant le protocole de Zelen comportent des avantages qui répondent spécifiquement aux problématiques de biais et d’adhésion. Les participants affectés au groupe contrôle n’étant pas informés de leur participation, les biais d’autosélection et d’adhésion sont limités. En effet, ces biais peuvent survenir lorsque les patients ont conscience de ne pas recevoir le traitement expérimental, notamment lorsqu’il est perçu comme potentiellement plus efficaces ou innovant que le traitement standard [3]. De plus, la méthode Zelen favorise la participation des patients puisqu’il ne leur est pas demandé de consentement préalable. Cela peut s’avérer utile dans des contextes où les patients sont fragiles ou fatigués, notamment en oncologie ou en gériatrie. Zelen avait constaté que l’acceptation des traitements expérimentaux augmentait lorsqu’ils étaient proposés avec un minimum d’informations préalables [1]. Enfin, ce protocole est particulièrement adapté aux études de santé publique de grande envergure, où la sensibilisation massive pourrait entraîner des biais comportementaux importants. Par exemple, dans des campagnes de vaccination ou d’autres mesures de prévention à large échelle, le protocole de Zelen peut permettre de tester l’efficacité sans informer les participants [5].

L’approbation des essais utilisant le protocole Zelen par les comités d’éthique est parfois difficile, car ce protocole ne respecte pas les critères habituels du consentement éclairé, ce qui rend leur mise en oeuvre plus complexe, en particulier lorsque les traitements expérimentaux sont invasifs ou comportent des risques élevés. Les comités d’éthique sont souvent moins exigeants dans le cadre de contextes à faible risque [2,4].

En conclusion, le protocole de Zelen est limité à des études spécifiques, souvent dans les domaines de la santé publique, des soins de routine, ou des études où les interventions sont peu invasives. Il est rarement utilisé dans le contexte d’essais impliquant des traitements expérimentaux à risque élevé, en raison des dilemmes éthiques.

Pendant que les membres du comité éditorial préparent le prochain numéro, nous vous souhaitons une très bonne lecture de ce numéro.

Robert Meslé
Rédacteur en chef
www.larevuedelosteopathie.com

Références de l’éditorial

  1. Zelen M. A new design for randomized clinical trials. New England Journal of Medicine. 1979;300(22):1242-5.
  2. Torgerson DJ, Roland M. What is Zelen’s design? BMJ. 1998;316(7131):606.
  3. Adamson J, Cockayne S, Puffer S, Torgerson DJ. Review of randomized trials using the post-randomized
    consent (Zelen’s) design. Contemporary Clinical Trials. 2006;27(4):305-19.
  4. Edwards SJL, Lilford RJ, Thornton J, Hewison J. Informed consent for clinical trials: In search of the ‘best’
    method. Social Science & Medicine. 1998;47(11):1825-40.
  5. McRae AD, Weijer C, Binik A, White A, Grimshaw JM, Boruch R, et al. Who is the research subject in cluster
    randomized trials in health research? Trials. 2011;12:183.
    Au cours de la préparation de ce travail, l’auteur a utilisé l’IA générative ChatGPT afin de compléter le contenu de
    cet éditorial. Après avoir utilisé cet outil, l’auteur a revu et corrigé le contenu et assume l’entière responsabilité du
    contenu de la publication.

Sommaire

La gouttière occlusale : lien indispensable entre le chirurgien-dentiste et l’ostéopathe

Dupas PH, Dupas G. La gouttière occlusale : lien indispensable entre le chirurgien-dentiste et l’ostéopathe. La Revue de l’Ostéopathie. 2024;30:5-12.

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L’ostéopathe et le chirurgien-dentiste sont complémentaires dans le diagnostic et le traitement du dysfonctionnement cranio-mandibulaire exacerbé par le bruxisme. En effet, les troubles des articulations temporo-mandibulaires et/ou des muscles masticateurs qui en résultent ont un impact sur la posture et l’oculogyrie. La gouttière occlusale ou orthèse mandibulaire est le traitement orthopédique de choix pour résoudre ces troubles. Au-delà du soulagement apporté aux muscles masticateurs et aux articulations temporo-mandibulaires, les études montrent que la gouttière occlusale a également une action dans le champ des traitements ostéopathiques.

Pierre-Hubert Dupas, Grégory Dupas

Évaluation des perspectives d’intégration de l’ostéopathie en service hospitalier. Étude qualitative auprès des soignants du service de soins palliatifs de l’hôpital Delafontaine

Dupas PH, Dupas G. La gouttière occlusale : lien indispensable entre le chirurgien-dentiste et l’ostéopathe. La Revue de l’Ostéopathie. 2024;30:5-12.

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Introduction : Le cancer représente un quart de l’activité hospitalière en court séjour en France. Les soins palliatifs, spécialisés en interdisciplinarité, réduisent les coûts financiers hospitaliers de 9 à 25 % et améliorent les résultats thérapeutiques des patients. Il persiste des disparités quant aux connaissances de l’ostéopathie par les professionnels de santé. De plus, le point de vue des soignants fait défaut dans la littérature. Il s’agit donc d’interroger les professionnels de santé sur les difficultés et les perspectives de collaboration entre les ostéopathes et le milieu hospitalier.

Méthode : Une recherche qualitative selon un modèle phénoménologique basée sur une analyse de contenu thématique a été utilisée. Les données ont été collectées auprès des soignants grâce à des entretiens semi-dirigés réalisés en face à face et audio-enregistrés. Un échantillonnage de convenance a permis de recruter des soignants ; travaillant à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (93), côtoyant des patients cancéreux, comprenant et parlant le français, ayant fait des études médicales, âgés de 18 ans et ayant signé préalablement une lettre de consentement à leur participation à l’étude. Les entretiens ont été transcrits manuellement sur un mode sociologique et une triangulation dans le codage a été effectué.

Résultats : Douze entretiens ont été réalisés et onze retenus. L’analyse a révélé cinq thèmes principaux regroupant les bénéfices de l’ostéopathie pour les soignants et les patients, les craintes et les connaissances des soignants concernant
l’ostéopathie ainsi que les structures de soins.

Conclusion : Les soignants ont exprimé que le manque de connaissance et leurs craintes concernant l’ostéopathie les limitaient dans leurs recommandations auprès des patients. Pour y remédier, l’expérience de l’ostéopathie ainsi que l’amélioration de la sensibilisation à cette thérapie seraient des axes d’approche. De futures recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre les besoins et manquements de chaque professionnel afin d’en créer du contenu pédagogique. Il serait également pertinent de croiser ces résultats à ceux du ressenti et des demandes des patients concernant les thérapies complémentaires.

Albane Paubert, Alexandre Arcamone, Agathe Wagner-Baillergeau

Impact d’un traitement ostéopathique dans la prise en charge des patients atteints de dysfonctions temporo-mandibulaires : étude en ouvert à un seul bras

Traboulsie A, Boucherat JB. Impact d’un traitement ostéopathique dans la prise en charge des patients atteints de dysfonctions temporo-mandibulaires : étude en ouvert à un seul bras. La Revue de l’Ostéopathie. 2024;30:25-32.

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Objectif : L’objectif de cette étude est de mesurer l’efficacité d’un traitement ostéopathique selon un protocole spécifique chez des patients souffrant de dysfonction temporo-mandibulaire (DTM).

Méthode : Il s’agit d’une étude interventionnelle ouverte à un seul bras qui s’est déroulée sur deux consultations, espacées de deux semaines chacune, au sein des cliniques d’un établissement de formation à l’ostéopathie de la région parisienne entre janvier et mars 2024. Les principaux critères d’inclusion étaient : âge > 18 ans et présence d’une DTM avec douleurs faciales modulées par la fonction mandibulaire, et restriction de l’ouverture buccale depuis plus de trois mois. L’échelle numérique (EN) a été utilisée pour mesurer l’évolution de la douleur ressentie par les patients. La réglette de mesure Therabite Range of Motion Scale a été utilisée pour évaluer l’évolution de l’amplitude d’ouverture buccale.

Résultats : Au total 24 patients (10 hommes et 14 femmes) ont été inclus dans l’étude entre janvier et mars 2024. L’âge moyen à l’inclusion était 24,3 ± 3,0 ans. Quatre femmes ayant été exclues en cours d’étude, 20 participants ont suivi la totalité du protocole : les différences des scores de la douleur à l’inclusion (3,7 ± 1,84) et à la fin du traitement de la 2e consultation (0,5 ± 1,00) étaient statistiquement significatives (p < 0,001). Les différences de l’amplitude de l’ouverture de la bouche à l’inclusion (40,3 ± 4,69) et à la fin du traitement de la 2e consultation (49,7 ± 5,86) étaient statistiquement significatives (p < 0,001).

Conclusion : Cette étude suggère l’intérêt et l’apport d’un traitement ostéopathique dans la prise en charge des DTM. Cependant, il serait pertinent de poursuivre la recherche en incluant un groupe contrôle et un plus grand nombre de patients afin d’augmenter la puissance et l’objectivité des résultats obtenus.

Ludovic Sufcevski, Jean-Baptiste Boucherat, Achraf Traboulsie

Proposition de systématisation des dysfonctionnements somatiques

Mokhov D, Perrin R, Potekhina Y, Tregubova E, Belash V, Josse B, Clouzeau C, Pauwels J, Esteves J, Staf V. Proposition de systématisation des dysfonctionnements somatiques. La Revue de l’Ostéopathie. 2024;30:33-42.

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L’utilisation du terme dysfonction somatique (DS) reste un sujet majeur de débat critique dans la profession ostéopathique. Comme la DS est un terme collectif qui inclut de nombreux signes palpatoires avec différentes pathologies complexes, il est nécessaire de développer une classification détaillée et une terminologie commune concernant les DS. Une telle classification devrait prendre en compte les variantes pathogènes et palpatoires des DS.

Les objectifs de cet article sont de souligner et d’expliquer la nécessité d’un système de classification universellement approuvé. L’article vise à proposer une définition actualisée du terme « dysfonction somatique » ainsi qu’une classification détaillée des dysfonctions somatiques qui pourrait être utilisée dans le cadre de la formation, des situations cliniques et de la recherche en ostéopathie.

Cet article est le résultat de multiples discussions sur la terminologie ostéopathique par des représentants de la communauté ostéopathique internationale. Cette nouvelle classification des DS est actuellement introduite systématiquement dans le travail pratique des ostéopathes en Russie et sert également de base au processus éducatif dans les écoles d’ostéopathie de Russie.

D’autres étapes sont nécessaires pour développer la classification proposée des DS et sa mise en œuvre dans la pratique clinique pour le diagnostic de chaque type de DS à chaque niveau. Des études devront ensuite être menées pour évaluer la pertinence de l’utilisation de cette classification détaillée des DS dans le processus de formation des ostéopathes, dans leur pratique ainsi que pour la recherche clinique.

Dmitry Mokhov, Raymond N. Perrin, Yulia P. Potekhina, Elena S. Tregubova, Vladimir O. Belash, Bruno Josse, Cyril Clouzeau, Jöry Pauwels, Jorge E. Esteves, Vincent Staf

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