Ce texte d’Alfred a été écrit pour ses amis Kinésiologues qui cherchent la reconnaissance, j’ai eu envie de le publier car il doit bien parler à tous les ostéopathes et soulève à mon avis des questions fondamentales comme l’assèchement de la diversité des cursus. Bonne lecture et n’oubliez pas que vous pouvez réagir sur le forum de l’article.
Nous vivons une époque formidable qui demande à nos enfants de choisir une orientation dès 13 ou 14 ans. C’est une grande responsabilité qui leur est laissée… à moins que les parents bien intentionnés, forts de leur expérience passée, ne choisissent à leur place ce que sera leur destinée.
Au bout du chemin, un diplôme, une spécialité, plus ou moins chèrement acquise, plus ou moins bien intégrée. Certains vont s’épanouir, beaucoup vont s’étioler, englués dans une carrière, un métier alimentaire, d’autant plus difficile à remettre en question qu’il aura été le fruit de longues années d’efforts.
Je gage que, comme la mienne, vos salles d’attente accueillent souvent de ces personnes désorientées, insatisfaites, frustrées par leur vie et qui cherchent un second souffle, une aide pour continuer sans craquer. L’éventualité de tout envoyer balader, de tout recommencer les taraude, mais comment oser dans le contexte économique et social actuel ? Avec des responsabilités ? Des crédits ? Une famille à nourrir ?
Mais j’y pense, peut-être comme moi avez-vous franchi le pas ? Décidé de vous réorienter ? Peut-être avez-vous choisi d’écouter la voix au fond de vous qui vous a poussés vers la relation d’aide ? La vie a fait que vous avez préféré la kinésiologie parce qu’elle vous anime, vous passionne.
Depuis quelques mois ou bien quelques années vous exercez cette activité qui vous remplit, dans laquelle vous vous sentez épanoui(e), utile et confirmé par des clients satisfaits. Vous avez trouvé votre voie et même si elle est parfois difficile, surtout dans les premiers temps, vous vous sentez en accord avec vous-même et fier de ce que vous apportez.
Avant d’être kinésiologue, j’ai été gendarme et comédien, d’autres ont vendu des cuisines ou bien des assurances. Nous venons de tous les horizons : l’éducation nationale, l’armée, l’agriculture, le public comme le privé… Nous sommes unis par l’amour de la kinésiologie et ceux d’entre nous qui exerçaient auparavant une profession médicale ou para-médicale savent bien la spécificité de notre métier.
Nous avons tous choisi de nous former, nous avons préféré un cursus proposé par une école, ou bien une formation à la carte, en fonction de nos disponibilités en matière de temps comme d’argent. Pourtant, nous savons tous que c’est en le pratiquant que nous apprenons notre métier, chaque jour, au fil des années, avec notre cœur, avec nos particularités. Nos expériences de vie, les épreuves que nous avons traversées, nos victoires aussi, sont indispensables pour accepter l’autre sans le juger et l’accompagner dans ses épreuves à lui, sur son chemin de vie.
Aujourd’hui, certains souhaitent structurer notre activité, la rendre présentable aux yeux des autorités. De façon plus ou moins avouée règne un besoin de reconnaissance et il semble qu’aux yeux de beaucoup, un examen assorti d’un mémoire soit la seule voie pour y accéder. Ici et là, des voix s’élèvent déjà pour réclamer une augmentation du nombre d’heures de formation avant de se présenter devant les jurés. C’est le cadre classique, habituellement réservé aux étudiants, à l’université.
À mes yeux, l’obtention d’un certificat signifie uniquement que celui à qui on l’a attribué sait passer un examen. Par ailleurs, l’exigence d’un mémoire me paraît hautement discriminatoire. Tous les kinésiologues ne sont pas égaux face à l’écriture et je préfère m’adresser à un kinésiologue à l’aise avec le métier qu’il aime, même s’il n’est pas à l’aise avec un stylo. C’est pourquoi j’ai rêvé que celui qui en aurait envie puisse remplacer le mémoire par une œuvre créative personnelle : sculpture, peinture, poésie ou bien, pourquoi pas, qu’il danse sa kinésiologie. Que chacun apporte sa propre vision, unique et complémentaire, contribuant ainsi à éclairer ce qu’est réellement notre métier.
Aujourd’hui, je me sens grandement attiré par l’ostéopathie, je suis certain qu’avec mes mains je pourrais être efficace pour soulager mon prochain. Hélas, la voie choisie par les ostéopathes en mal de reconnaissance m’oblige à suivre cinq années d’études à plein temps avant d’avoir le droit de la pratiquer. Je ne peux matériellement pas me le permettre, je dois renoncer. Dans ces conditions, cette magnifique profession me semble inexorablement réservée aux jeunes bacheliers, seuls susceptibles de s’engager dans ces études, en bénéficiant, pour la grande majorité, du soutien financier de leurs parents. Comment ne pas penser qu’il n’en sortira que des techniciens de 22 ou 23 ans se croyant en toute bonne foi, les seuls capables d’exercer ?
Le même phénomène semble se dessiner pour d’autres spécialités.
Qu’adviendra-t-il d’ici quelques années pour les adultes désireux de se reconvertir dans la kinésiologie telle que nous la pratiquons aujourd’hui, si nous choisissons de reproduire les modèles existants ? Est-ce que former de jeunes techniciens constitue une garantie de qualité ? Et comment leur reprocher de penser, étant les seuls diplômés, qu’eux seuls savent travailler ?
Albert Einstein disait que ça n’est pas en cherchant à améliorer la chandelle que l’on a inventé l’ampoule électrique. À mes yeux, il est indispensable d’inventer une alternative aux cursus stéréotypés conduisant des étudiants infantilisés à se présenter devant des jurés auto-proclamés qui décident si oui ou non telle personne est capable d’en accompagner une autre. Je crois que pour son évolution, notre profession ne peut pas se priver de l’apport de celles et ceux qui, un jour, au milieu du labyrinthe de leur vie, ont entendu l’appel de leur cœur vers une reconversion. Toutes celles et ceux qui, comme nous, pensent être faits pour la kinésiologie et y ont trouvé leur place.
Bien sûr qu’il est incontournable de suivre des formations, mais celui qui a besoin d’être légitimé par une autorité réclamera toujours une structure pour le rassurer. N’oublions pas que ce faisant, il abandonne à ses jurés la responsabilité de décider s’il est capable ou pas d’exercer son métier. Drôle de paradoxe lorsque dans le même temps on proclame laisser à ses clients l’autorité dans le processus de séance.
Les jurés quant à eux, ne courent-ils pas le risque, en cas de difficulté ultérieure, de devoir se déjuger ou bien défendre une cause injustifiable ? Que choisiront-ils ?
Pourquoi ne pas accepter officiellement ce qui existe officieusement ? Celui ou celle qui se sent prêt, décide en son for intérieur de commencer à exercer. Plutôt que de chercher à le lui interdire, pourquoi ne pas lui proposer de l’accompagner ? En effet, combien d’entre nous ont-ils décrété de façon définitive qu’ils en savaient assez et qu’ils pouvaient arrêter de se former ? Je crois que nous savons tous la nécessité de continuer.
Aujourd’hui, Dieu merci, il est encore possible d’être kinésiologue en dehors de toute structure fédérative ou syndicale. Il est encore possible de pratiquer la kinésiologie en complément d’autres techniques. Aujourd’hui, les forces vives de notre métier, ses meilleurs représentants sur le terrain, sont les individus libres qui assument leurs choix et leurs actes, dans le but d’apporter le meilleur à leur prochain. La plupart d’entre eux n’attendent rien d’organisations professionnelles qui chercheraient à les empêcher de travailler selon leurs convictions.
Je pense que beaucoup de ces professionnels ne satisfont pas aux critères exigés, mais je suis certain qu’ils auraient beaucoup à apporter s’il y étaient invités.
Choisirons-nous de les exclure ou bien saurons-nous les accueillir dans une nouvelle structure ? Nous en tiendrons-nous à la chandelle ou bien chercherons-nous une autre lumière ?
J’entends que le modèle traditionnel séduit beaucoup de personnes et il n’est pas question pour moi de l’écarter complètement. Je souhaite seulement que soit proposé en complément, un cursus différent qui offre une place à celles et ceux qu’une vocation solide, bien que tardive, conduit vers la pratique de la kinésiologie.
Pour intégrer des structures officielles ou bien alternatives (mutuelles…) n’y a-t-il d’autre issue que de s’autocensurer et montrer patte blanche ? Nous est-il possible d’exister en conservant les coudées franches pour incarner ce à quoi nous aspirons : liberté, autonomie, créativité et capacité de choix ?
Depuis une trentaine d’années, il n’existe en France que des kinésiologues auto-proclamés. Cela a permis l’émergence de nouvelles techniques, le développement de notre pratique, un enrichissement de la philosophie qui l’anime. Les dossiers de nos détracteurs sont vides, hormis quelques sempiternelles et vieillissantes histoires.
Je crois que pour des charlatans, nous pouvons être fiers de notre courage et de notre bilan.
Un charlatan en Afrique est d’abord un soignant…. un marabout, un sorcier,… un médecin du corps et de l’âme. Pourquoi en avons nous fait un terme péjoratif ?