A l’Avef (association des vétérinaires équins de France) qui m’envoyait un courrier de rappel pour ma cotisation, voici ma réponse…
Monsieur le Président de L’AVEF,
Jean-Yves,
Je viens de recevoir de votre association une demande de renouvellement de mon adhésion où il est expliqué toutes les missions de L’AVEF et la nécessité pour elle d’avoir le maximum d’adhérents.
J’entends bien tous les efforts développés et cette nécessité du nombre et j’adhère volontiers à cela.
Mais comme nous en avons déjà discuté, il est un dossier pour moi primordial qui n’est pas respecté comme il se doit par votre association dans son ensemble. Ce dossier, c’est l’ostéopathie comme tu t’en doutes.
La journée en automne que Franck de Craene essaie de mettre en route manifestement péniblement, sera un premier pas si elle a lieu, mais bien insuffisant à mes yeux.
Reprenons :
– L’ostéopathie a des résultats, elle le prouve tous les jours.
– C’est très demandé à tort ou bien à raison par la clientèle à tel point que les vétérinaires pas assez nombreux se sont faits déborder.
– Elle contient en elle des principes qui seront indispensables à la médecine de demain, comme l’acupuncture d’ailleurs.
Cela devrait suffire à l’inclure à part entière dans vos débats à tous niveaux. Mais il y a des bémols :
– les ostéopathes sont des hussards qui n’hésitent pas à aller trop loin et pour cause, ils ont été sélectionnés sur leur capacité à franchir le Rubicon….sinon ils ne parleraient pas d’ostéopathie, alors un Rubicon de plus, un de moins, quelle importance….
– Ils sont poétiques, voire ésotériques, bien évidemment, ils passent la journée à lire avec leurs mains des tensions fines et peuvent passer leur temps à discuter du bleu foncé ou du bleu roy de tel tissu….mais l’instrument de mesure est leur corps, il n’y en a pas deux pareils. Et ils doivent apprendre à s’en servir malgré tout…et çà marche….
– Il faudrait alors comprendre une fois pour toutes que l’ostéopathie s’expliquera un jour entièrement dans toutes ces composantes, mais que ce n’est pas la même chose que de comprendre l’ostéopathie « rationnellement » et de la faire…
– Notre travail c’est de la faire et de la passer y compris poétiquement si besoin, le travail des « scientifiques » est de la prouver. Des travaux que j’ai insufflé comme ceux d’Isabelle Burgaud vont dans ce sens, mais c’est une kirielle de travaux de cette nature qui devraient être lancés, mais avec quel budget ?
Aussi une attitude assez systématique de se cantonner à « l’evidence based medecine » et de ne dire ou faire que ce qui est jusque là démontré (démontrable…) est une attitude sclérosante. C’est le travail d’un scientifique de dire : cela je ne l’ai pas encore démontré…mes outils ne me permettent pas de….mais le rôle de l’AVEF qui est une association de praticiens est de donner à ces adhérents les capacités de soigner avec tous les outils qui se présentent chacun étant sensé choisir en fonction de l’efficacité présumée, la vision « scientifique » servant de ligne directrice mais pas de ligne exclusive. La médecine scientifique n’est pas dans une maturité suffisante pour se permettre d’exclure des pans entiers de médecine.
La moindre des choses serait donc d’accueillir dans le congrès de L’AVEF une salle, une matinée ces confrères adolescents turbulents et de les laisser parler tout bonnement entre eux, même si leur propos ne vous plaisent pas tous. Ce serait à mon avis simple et de bon sens. Mais la tentation de vouloir réduire l’ostéopathie au structurel ou au réflexe est très forte, hélas, l’histoire prouve que ce ne sera pas suffisant pour la domestiquer, et même si la journée de novembre est un compromis entre des forces contradictoires, cela me parait bien peu…..et largement en dessous de ce que vous auriez à faire pour garder la main dans cette partie….
C’est pour ces raisons à mes yeux fondamentales que je ne ré-adhérerai pas à votre association. Ce n’est pas un refus sine die, mais une mesure provisoire tant que nos buts seront si fondamentalement différents. Vous visez une uniformité correspondant à un standard, je vise une multiplicité des outils dont chacun à un instant donné peut se révéler le plus efficace. Aucun référentiel n’étant plus vrai qu’un autre par nature.
Je reste bien sûr ouvert à de vraies discussions sur le fond.
Bonne route à votre association.
Patrick Chêne
PS : voici pour invitation à la réflexion,
1- un extrait d’un essai sur la réglementation aéronautique (de Sophie Poirot Delpech) qui ne dit pas autre chose, comme quoi tout finit par se ressembler dans cette société :
« Il est aujourd’hui très peu de domaines en mesure d’échapper au processus d’industrialisation et à ses contraintes. La possibilité de contrôler chaque étape du processus de conception et de fabrication d’un produit ou d’un service pour en assurer la reproductibilité s’impose un peu partout comme la seule voie envisageable dans un monde moderne. La certification de chaque étape, selon un cahier des charges très précis et invariable (normes ISO), a évidemment pour objectif de rendre constant le processus de production, de réduire au maximum l’imprévu et l’incertitude. Il s’agit d’assurer au moindre coût un niveau maximum de sécurité, dont nous savons par ailleurs qu’elle représente une des principales revendications de la société contemporaine.
Cette évolution a en revanche pour principal revers d’uniformiser progressivement les modes de connaissance et d’action. Cela va dans le sens d’un conformisme de plus en plus grand, d’une normalisation des pratiques et des manières de faire qui cadrent mal avec l’impératif d’innover et même le contredisent. La mise en conformité avec du réel avec les standards de la production industrielle opérerait donc au détriment de la créativité.
La philosophe I. Illich écrivait à ce propos : « Chaque institution rationnellement planifiée dans un but technique produit des effets non techniques dont certains ont le résultat paradoxal d’amoindrir l’homme et d’appauvrir son milieu en réduisant sa capacité à se débrouiller…. »
Le paradoxe bien connu est alors le suivant. La standardisation dont nous faisons dépendre la sécurité se paie d’une perte en capacité d’adaptation des êtres humains mais également des systèmes techniques eux-mêmes. Ce facteur de rigidité est non seulement susceptible de contre-carrer à terme les efforts réalisés en matière de sécurité, il affecte la conception et l’innovation dans son ensemble en limitant par exemple la liberté d’explorer des modalités techniques situées dans d’autres référentiels socio culturels…..
Où il suffit peu ou prou de remplacer technique par médecine & sécurité par santé.
2-un début de texte sur des démonstrations mathématiques qui ont maintenant 50 ans et devraient mettre à bas certaines certitudes effrontées.
Les deux théorèmes de 1931 de Gödel sur l’inconsistance et l’incomplétude de l’arithmétique du premier ordre ont eu des répercussions importantes sur la pensée philosophique moderne.
La première conséquence de ces théorèmes est que la Vérité ne peut pas être exprimée en terme de démonstrabilité. Une chose prouvable n’est pas nécessairement vraie et une chose vraie n’est pas toujours prouvable. Beaucoup de philosophes ont pensé le contraire et ont essayé de définir la vérité comme étant égale aux choses démontrables. De manière générale, dans quasiment toutes les entreprises intellectuelles conséquentes, on peut exprimer des arguments mathématiques simples et on risque donc de rentrer dans le cadre du théorème de Gödel. Je peux ainsi prétendre des choses fausses sans qu’on ne puisse démontrer le contraire.
De la même manière, je peux prétendre des choses vraies sans pouvoir me justifier par une démonstration De la même manière que l’ensemble des vérités est plus important que l’ensemble de ce qui est démontrable, la réalité est plus importante que l’ensemble des connaissances possibles. Contrairement aux enseignements de nombreux philosophes, être raisonné n’est pas simplement une question de règles. La raison est créative et originale. Pour trouver des vérités dans un système donné, il faut pouvoir s’en extraire et pour cela il faut une raison qui soit capable non pas de simplement rajouter des axiomes à un système mais d’en créer un nouveau dans lequel l’ancienne vérité indémontrable deviendra au contraire tout à fait démontrable……
Monsieur le président…je vous fais une lettre….
Monsieur le président…je vous fais une lettre….
25 juin 2007 22:33, par Catherine LAURENT THOMIERES
Bonsoir Patrick, Alors l , tu m’as .. »scotchée » !…. Ce que tu écris est si vrai si pertinent si… que je me demande si JY GAUCHOT va tout lire ! S’il le fait, je ne comprends pas comment il pourrait réfuter tes arguments…imparables ! Est-ce dire qu’il n’a pas été confronté l’évidence après un traitement ostéopathique ? Quel besoin de démontrer tous crins si le résultat positif est lui-même la preuve de l’efficacité du traitement ? En fait je crois que comme dans beaucoup de problèmes, ceux de santé n’ont pas qu’une et une seule solution comme tendraient l’imposer la médecine et la chirurgie conventionnelles. Il y a une solution « classique » (médicale, chirurgicale …assez lourde cependant) et une méthode « alternative » (qui porte bien son nom) qui agit différement. Le résultat serait donc le même : guérir. Mais, dans un cas, on exclut le patient du processus de guérison, dans l’autre, on l’implique 200 % sans utilisation de chimie ou d’effraction. L’une n’est pas « meilleure » que l’autre. Elles sont différentes et c’est cette différence qu’il faut valoriser.
J’ai hâte de connaitre la réponse du résident de l’AVEF… s’il t’en fait une. Catherine
Monsieur le président…je vous fais une lettre….
Très très bien dit, j’apprécie beaucoup.
Bruno