Les manipulations vertébrales
Les manipulations vertébrales en France ont mauvaise réputation : décriées, elles sont considérées comme douloureuses, brutales, violentes et font très peur. Certains patients qui ont subi une manipulation, ont l’impression d’avoir été ébranlés.
Elles sont pratiquées par les médecins comme par les ostéopathes et les chiropraticiens.
Qu’en est-il exactement? Est-ce les mêmes « manipulations » que pratiquent ces professionnels? Entre une manipulation vertébrale, un thrust ostéopathique et un ajustement chiropratique, quelles différences?
Sont-elles aussi dangereuses que l’on dit? Existe-t-il des contre-indications aux manipulations vertébrales? Y a-t-il eu des accidents? et des accidents graves?
Qui a le droit de pratiquer les manipulations? Comment sont formés les professionnels qui manipulent ainsi? Ont-elles fait leur preuve et existent-ils des études scientifiques qui démontrent leur efficacité?
C’est à toutes ces questions que le Site de l’ostéopathie va essayer de répondre en ouvrant le dossier des « MANIPULATIONS VERTÉBRALES ».
À noter
Cet article écrit en 2003 peut comporter des liens qui ne soient plus opérants.
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Étymologie
Manipulation : (origine latine, de manipule, poignée) action, manière de manipuler
Manipulations vertébrales :
manœuvre manuelle consistant à mobiliser certaines articulations par pression ou étirement modérés.(Petit Robert)
méthode thérapeutique consistant en mouvements manuels appliqués sur certains segments de la colonne vertébrale (Encyclopédie Hachette).
Un peu d’histoire….
» Depuis l’aube des temps, l’homme a essayé de soulager les souffrances corporelles de ses semblables. Il s’est servi pour cela de ses mains et s’est très vite rendu compte qu’elles pouvaient soulager et guérir. C’est ainsi que toutes les traditions de l’humanité : ayur-védique, égyptienne, tibétaine, essénienne, taoïste, chamanique, druidique… ont pratiqué les thérapies manuelles sous des formes diverses. Plus récemment, Hippocrate, Galien, Avicenne et bien d’autres ont manipulé journellement les articulations et les ont décrites dans des ouvrages célèbres. Ces pratiques manuelles existent encore de nos jours, aux quatre coins de la planète, mais également dans nos sociétés occidentales surmédicalisées, en tant que techniques empiriques de reboutement « .(1)
Les manipulations vertébrales sont pratiquées par les ostéopathes et par les chiropraticiens depuis plus d’un siècle : en fait depuis la création de l’ostéopathie par A.T. Still en 1874 et depuis la création de la Chiropratique par D. D. Palmer en 1895.
C’est en 1962 que les médecins se sont appropriés en France, le droit unique de pratiquer les manipulations vertébrales bien qu’à cette époque, aucune formation particulière n’était nécessaire ni n’existait.
C’est le Dr Robert Maigne qui, le premier, a codifié les manipulations médicales (2). Il a formé quantité de médecins, la plupart rhumatologues ou médecins de médecine physique-rééducation.
Avec la création du Diplôme Inter-Universitaire (DIU) de médecine manuelle-ostéopathie, d’autres formations médicales ont vu le jour. Il existe actuellement 14 facultés où l’on enseigne la médecine manuelle-ostéopathie et donc les manipulations.
D’autres formations existent, enseignement privé post universitaire, plus ou moins longues où l’on forme en quelques week-ends des médecins à la manipulation.
Enfin, d’autres que les médecins pratiquent des manipulations. ce sont les kinésithérapeutes formés à la thérapie manuelle ou à l’ostéopathie.
Il reste encore dans certaines régions des guérisseurs ou des rebouteux qui « manipulent » grâce à un savoir ancestral transmis directement de père en fils ou de maître à élève. Ces derniers ne rentrent pas dans notre champ d’investigation.
Les manipulations médicales
« La médecine traditionnelle s’est intéressée assez tardivement aux manipulations vertébrales. C’est à R. Lavezzarri que revient le mérite d’avoir ouvert la voie dès la fin de la seconde guerre mondiale par la première école d’enseignement des manipulations ostéo-articulaires. Dans les années 60, R. Maigne a créé un enseignement réservé aux médecins, basé sur la notion d’un dérangement inter-vertébral mineur (DIM) qui serait responsable d’une irritation de la branche postérieure des nerfs rachidiens.
Ces sub-luxations articulaires sont décelées par l’examen clinique guidé par la palpation du rachis, des muscles, des insertions tendineuses et des tissus mous. Cette cartographie des projections douloureuses selon les métamères permet de repérer la zone « dérangée » et de pratiquer la manipulation vertébrale selon les règles « de la non-douleur et du mouvement contraire ». Ainsi furent codifiés l’examen clinique du rachis et le traitement par les manipulations vertébrales. De nombreuses Facultés de Médecine dispensent cet enseignement. » (3)
Il est à remarquer qu’en France, aucune mention des manipulations vertébrales n’est faite par le jury de l’ANAES lors de la conférence de consensus du 13 novembre 1998, mais ce dernier évoque « les mobilisations forcées comme technique de traitement en rééducation dans la lombalgie ». (4) Et dans son rapport sur la lombalgie commune de moins de trois mois, l’ANAES souligne : » Les manipulations rachidiennes ont un intérêt à court terme dans la lombalgie aiguë. Aucune, parmi les différentes techniques manuelles, n’a fait la preuve de sa supériorité. Dans la lombosciatique aiguë, il n’y a pas d’indication pour les manipulations (grade B). » (5)
L’article cité montre bien qu’en France, aucune étude médicale sérieuse (et donc scientifique) n’a été entreprise pour démontrer l’efficacité ou non des manipulations médicales. (6)
La loi française, la Sécu et le Conseil de l’Ordre…
Les textes qui régissent les manipulations vertébrales
C’est l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins qui régit les manipulations vertébrales. Cet arrêté stipule :
article 2 :
« Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine, conformément à l’article L. 372 (1°) du code de la santé publique , les actes médicaux suivants :
1° Toute mobilisation forcée des articulations et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes manipulations vertébrales, et, d’une façon générale, tous les traitements dits d’ostéopathie, de spondylothérapie (ou vertébrothérapie) et de chiropraxie. » (Sans que cet article ne définisse ce que sont les traitements dits d’ostéopathie).
Article 4 :
« Peuvent être exécutés par des auxiliaires médicaux qualifiés et uniquement sur prescription du médecin, mais en dehors de la présence de celui-ci, les actes médicaux suivants, dont la liste est limitative :
[…] 20° Mobilisation manuelle des segments de membres (à l’exclusion des manœuvres de force). »
Cet article est complété par le décret de compétence n° 96-879 du 08.10.96, relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute
Art. 7. Pour la mise en oeuvre de traitements prescrits par le médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à utiliser les techniques et à réaliser les actes suivants :
c) Mobilisation manuelle de toutes les articulations, à l’exclusion des manœuvres de force, notamment des manipulations vertébrales et des réductions des déplacements osseux…
Rappelons qu’avant 1962, les masseurs-kinésithérapeutes avaient le droit de pratiquer les manipulations!
Commentaire
On voit par là que les manipulations se divisent en deux:
- les manipulations en force, réservée aux médecins exclusivement
- les manipulations ou mobilisations manuelles de toutes les articulations. (7)
C’est cette différence qui permet de dire que les non-médecins (masseurs-kinésithérapeutes, ostéopathes) peuvent pratiquer la thérapie manuelle et l’ostéopathie à condition de les définir comme mobilisations des articulations, dans le but de restaurer le jeu articulaire normal, physiologique.
En février 1999, le Secrétariat d’État à la Santé a confirmé cette position, en précisant qu’il n’existait pas de définition légale de l’ostéopathie.
Les tribunaux ont eu à prendre position sur cette question. Ainsi :
La Cour de cassation du 12 novembre 1997 : le simple fait, pour un masseur-kinésithérapeute, de pratiquer l’Ostéopathie sans être titulaire d’un diplôme de docteur en médecine, n’est pas constitutif d’un délit.
Jurisprudence du Tribunal Administratif de Paris en date du 11 mars 1997 et de la Cour Administrative d’Appel (Ordonnance du 3 avril n° 97 PA 027 98) : la pratique de l’Ostéopathie précédemment définie, étant conforme au décret de compétence des masseurs-kinésithérapeutes, s’avère exonérée de T.V.A. (8)
La Sécurité Sociale
La Sécurité sociale rembourse les manipulations vertébrales pratiquées par les médecins : Voici sa codification : La séance, avec un maximum de trois séances …..K.7 – E (avec entente préalable)
Toutefois, dans la pratique, le médecin qui effectue une « manipulation vertébrale » marquera sur sa feuille de soins « consultation » et le patient sera remboursé d’une consultation, sans autre forme de procès…..
Le Conseil de l’Ordre des Médecins
La pratique des manipulations est reconnue pour les médecins sous la dénomination « médecine manuelle – ostéopathie », seuls titres et mentions autorisés sur les plaques et ordonnances à la date du 1er octobre1999.
Définition des manipulations médicales
« La manipulation vertébrale est une mobilisation forcée de l’articulation que représente l’articulaire postérieure, au delà de son jeu physiologique mais sans atteindre bien sûr la luxation. Elle s’accompagne d’un bruit parfaitement audible de craquement, lié à un phénomène de cavitation (le même que l’on entend lorsque l’on se fait » craquer » les doigts ). Sous l’action de la force impulsive donnée par le manipulateur, les surfaces articulaires vont s’écarter l’une de l’autre brutalement d’où le craquement audible et ainsi retrouver un jeu articulaire qu’elles avaient perdu. Elle a également une action sur les muscles . La manipulation entraîne des postures qui vont étirer les muscles intervertébraux. Lors de l’impulsion manipulative donnée par l’opérateur, le muscle sera étiré brutalement ce qui aura pour effet de le décontracter« . (9)
Voici la définition qu’en donne R. MAIGNE dans son livre : (10)
« La MANIPULATION est un mouvement forcé, appliqué directement ou indirectement sur une articulation qui porte brusquement les éléments articulaires au-delà de leur jeu physiologique habituel, sans dépasser la limite qu’impose à leur mouvement l’anatomie. C’est une impulsion brève, sèche, unique, qui doit être exécutée à partir de la fin du jeu passif normal. Ce mouvement s’accompagne en général d’un bruit de craquement. »
Les accidents de manipulations
La gravité des accidents
Les accidents les plus dramatiques sont ceux liés aux manipulations du rachis cervical : graves, ils sont rares, spectaculaires et parfois catastrophiques. D’origine vasculaire (territoire vertébro-basilaire), ces accidents sont rarissimes. Selon une étude, le risque est de 1 pour 1 000 000 de manipulations cervicales effectuées! (11)
Les accidents dans la littérature médicale
Diverses études française et anglo-saxonnes ont été faites pour recenser les accidents dus aux manipulations vertébrales. Selon ces études, il y aurait eu environ 200 accidents entre 1966 et 1996.
En France, le Pr. Vautravers dans son étude sur la littérature médicale a estimé à 1 accident (publié) pour 5 millions de manipulations.
D’autres études anglo-saxonnes et canadiennes sont examinées et il en ressort que : » s’il est possible de donner une estimation de la fréquence, celle-ci se situe vraisemblablement aux alentours d’1 accident pour 1 million de Manipulations Cervicales. »
Il est à noter également, toujours d’après cette étude que si le nombre d’accidents post-manipulatifs cervical paraît largement sous estimé, » il faut rappeler que les autres traitements utilisés dans les cervicalgies sont également responsables de nombreux accidents ; ainsi, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont responsables de 3,2 accidents (hémorragie, perforation, ulcère, décès) pour 1 000 patients de moins de 65 ans et de 0,39 accidents pour 1 000 patients de plus de 65 ans. Tous âges confondus, les AINS déclenchent un accident grave pour 1 000 patients. Il faut souligner que la chirurgie cervicale est responsable, également, d’un grand nombre d’accidents neurologiques et de décès. » (12)
Les accidents en France en 1999
Le Dr Feltesse a recensé, d’après le rapport concernant le corps médical assuré au Sou Médical (17 juin 2000), les accidents survenus en 1999 occasionnés par des manipulations vertébrales (13) :
- Pour les médecins généralistes (51 588) : Aucun accident grave pour les manipulations vertébrales : simplement 3 plaintes pour aggravation des douleurs et 1 fracture de côtes.
- Pour les kinésithérapeutes (14 287) : 6 accidents de manipulations vertébrales dont une dissection artérielle.
- Pour les rhumatologues (le nombre n’est pas précisé) : 2 plaintes suite à manipulation dont 1 dissection artérielle.
Classification médicale des accidents de manipulation
Selon une classification étiologique due à M.J Teyssandier que nous reprenons intégralement (14) :
1 – La manipulation est responsable de la production d’une lésion ou d’une affection nouvelle
(fracture d’une côte saine, d’une vertèbre saine ou fragilisée). Dans ces cas, l’accident survient habituellement à la suite d’une manœuvre trop brutale, mal contrôlée, entrant dans le cadre d’une faute technique.
2 – La manipulation est révélatrice d’une affection méconnue.
Ici, il s’agit d’une erreur, voire d’une absence de diagnostic préalable. Nous pouvons citer par exemple : le tassement d’une vertèbre métastatique, une dislocation atloïdo-axoïdienne sur une polyarthrite rhumatoïde, une compression médullaire secondaire au déplacement d’une fracture méconnue.
Nous citerons également les accidents vertébro-basilaires qui peuvent être totalement imprévisibles, le plus souvent chez le sujet jeune, de sexe féminin, sans antécédents particuliers.
Hormis ce dernier cas, les accidents révélateurs d’une affection méconnue sont souvent la conséquence d’un bilan pré-manipulatif incomplet (examen clinique sommaire ou absent ; absence d’examens complémentaires, tests pré-manipulatifs non effectués) ou d’indications fantaisistes (manipulation cervicale pour traitement d’une sinusite…).
3 – La manipulation est responsable de l’aggravation (immédiate ou différée) d’une affection pré-existante pour le traitement de laquelle elle était effectuée.
L’aggravation immédiate se manifeste par l’apparition brutale de nouveaux symptômes comme par exemple un torticolis qui se transforme en névralgie cervico-brachiale, une sciatique radiculaire commune qui devient paralysante ou une lombalgie qui se transforme en paraplégie par compression discale. Le plus souvent, ces accidents surviennent lorsque le manipulateur n’a pas respecté les contre-indications médicales ou techniques, telles qu’elles ont été proposées par R. MAIGNE.
L’aggravation est parfois différée. Dans ce cas, l’affection causale évolue pour son propre compte et s’aggrave, en particulier parce que tous les moyens n’ont pas été rapidement mis en œuvre pour porter un diagnostic et pour instituer un traitement adéquat. »
Ne pas prendre la partie pour le tout….
Les manipulations ostéopathiques et chiropratiques
L’ostéopathie comme la chiropratique revendiquent le droit de pratiquer les manipulations vertébrales. Dans le monde entier où ces deux médecines sont reconnues, les ostéopathes et les chiropraticiens les utilisent sans que cela ne soit particulièrement scandaleux. Alors pourquoi en France, la loi médicale le leur interdit-elle?
Il semble bien que, dans ce pays, les médecins qui ont découvert un jour les manipulations ont pris la partie pour le tout…. et ont fait des manipulations vertébrales leur cheval de bataille de façon à les approprier dans le contexte médical français où ‘nul ne peut exercer la médecine s’il n’est docteur en médecine….’
Les manipulations vertébrales sont des techniques de soins. Elle ne sont que cela! Et elles ne sont pas les seules techniques qu’emploient les ostéopathes et les chiropraticiens :
En ostéopathie, il existe « un large éventail de procédés manuels pour corriger les dérangements structuraux (15) :
- Les techniques consacrées « aux tissus mous »
- les techniques musculaires
- le traitement des fascias
- les massages transversaux qui s’adressent aux ligaments
- les manœuvres de décollement des plans cutanés profonds
- les techniques viscérales
- les autres techniques des tissus mous comme le drainage lymphatique, le pompage des réservoirs veineux, le massage et le ponçage des points nodulaires réflexes, la myothérapie
- Les techniques de mobilisation articulaire générale
- Les techniques crâniennes ou crânio-sacrées
- Les techniques articulaires spécifiques
- les manipulations avec impulsion « Thrust technics » ou techniques structurelles avec thrust : ce sont elles et uniquement elles que tout le monde appelle « les manipulations vertébrales »
- les techniques myotensives « Muscle Energy technics »
- les techniques fonctionnelles
- Les techniques particulières
- « le strain contra strain »
- les techniques de « pompage »
- les tractions axiales manuelles continues ou intermittentes
- les techniques énergétiques
- les techniques émotionnelles de John Upledger
Les manipulations vertébrales ostéopathiques
Qu’est-ce donc qu’une manipulation vertébrale ostéopathique?
« Le thrust est une mobilisation articulaire de faible amplitude et de haute vélocité dans les limites physiologiques de l’articulation. Le thrust ainsi appliquée reste toujours en deçà de la limite de mobilité articulaire et est parfois mais pas toujours accompagné d’un bruit articulaire appelé « pop » souvent comparé à une ventouse qui vient de lâcher «
Caractéristiques du thrust
Notons tout d’abord qu’une manipulation avec thrust peut s’effectuer sur toutes les articulations et non pas exclusivement sur la colonne vertébrale.
Le but de l’action manipulative vise à supprimer la restriction articulaire installée dans les limites normales du jeu articulaire
La manœuvre avec thrust n’est pas un acte isolé : elle fait partie du traitement et reste une technique appliquée dans un ensemble cohérent :
- bilan ostéopathique : interrogatoire – examen du patient – tests de mobilité – palpation
- diagnostic des lésions ostéopathiques
- techniques appliquées en fonction du bilan
- vérification par la palpation et les tests de mobilité de la réussite du traitement
« La technique structurelle consiste à mettre en tension l’articulation à traiter et uniquement elle. Nous nous servons pour cela des leviers que sont les quatre membres afin de verrouiller les articulations sus et sous-jacentes et permettre ainsi au thrust d’agir uniquement au niveau de la lésion. C’est donc l’élément déterminant de la technique structurelle. C’est d’elle que dépend la qualité de la normalisation. Plus cette mise en tension est précise, moins la force nécessaire au thrust est importante. C’est à cela que l’on reconnaît celui qui sait manipuler ».(16)
La manipulation ne nécessite aucune force, mais par contre une très grande rigueur technique : précision dans la mise en tension,(le verrouillage articulaire sus et sous-jacent), précision et rapidité d’action
La manipulation n’est pas douloureuse, tout au plus est-elle désagréable
« La manipulation ostéopathique n’est pas une « manœuvre forcée d’une articulation la portant au-delà de ses amplitudes sans entraîner de lésions tissulaires » (17). De ce fait il est possible et même recommandé de la répéter jusqu’à restitution des rapports anatomiques et physiologiques normaux. […] S’appliquant sur des articulations dont le jeu est restreint, il n’y a aucun risque d’instabilité ultérieure, d’autant plus que l’existence d’une mobilité normale et a fortiori d’une hypermobilité en contre-indique l’utilisation ». (18)
L’obtention du craquement n’est pas indispensable au thrust. Il peut même ne pas exister. Mais quoi qu’il en soit, le craquement n’est jamais la preuve que la manipulation a été réussie! (19)
Le thrust ostéopathique nécessite une maîtrise parfaite de la technique ostéopathique : seule une formation soignée et une longue expérience sont capables de développer la perception tactile nécessaire à ce type de techniques. (20)
La réussite de la manœuvre sera vérifiée après la technique à travers l’ensemble des divers tests ostéopathiques de mobilité.
L‘ajustement chiropratique
La chiropratique ne parle jamais de manipulations vertébrales. Ce terme est exclu du langage chiropratique et est remplacé par « ‘ajustement ».L’ajustement est une forme de manipulation vertébrale très spécifique et se fait avec une très grande précision et souvent avec une très grande rapidité (vélocité); techniquement cela s’appelle un « thrust ».Toutefois, l’ajustement peut être aussi réalisé sans thrust, en maintenant des contacts spécifiques absolument indolores en différents points du corps. Par contre, dans la littérature scientifique américaine, le terme manipulation est très souvent associée à la chiropratique, ce qui par extension aux USA décrit également les ajustements.
définition
» Manœuvre passive, durant laquelle l’unité fonctionnelle vertébrale est soudainement portée dans l’espace para-physiologique sans excéder les limites d’intégrité anatomique du complexe »
Le chiropraticien emploie un thrust à la fin de l’amplitude passive, c’est-à-dire un impulsion de très faible amplitude, mais de grande vitesse (Low Amplitude, High Velocity).
D’un point de vue strictement chiropratique, un ajustement c’est donc la correction de la subluxation. L’ajustement, ayant une action corrective par définition, ne peut causer de dommage. S’il cause des dommages, ce n’est plus un ajustement .
Les livres, articles et mémoires
- Indications, contre-indications et précautions d’emploi d’un thrust cervical, Alain DESTRUEL – mémoire de fin d’études , collège CEESO –
- Voir dans la rubrique « Livres » du site
- « Training Primary Care Physician to give Limited Manual Therapy » Peter CURTIS MD, T CAREY MD, et Paul Evans DO et al ;
- Missue of the Litterature by Medical Authors in Discussing Spinal Manipulative Therapy Injury. » Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, vol 18, Num 4, MAI 1995, Pages 203-210.
Les sites Internet parlant des manipulations chiropratiques
- « Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics » http://journals.elsevierhealth.com/periodicals/ymmt
- SPINE par J.Donald DISHMAN DC, et al SPINE 2000; 25 : 2519-2525
- Site du Dr Slosberg DC www.slosberg.com
- Site de la la Fondation of Chiropractic Education and Research www.fcer.org/html/News/canneur.htm
Conclusion
Comparaison des 3 techniques : médicale, ostéopathique et chiropratique
Une première constatation s’impose : entre la manipulation ostéopathique avec thrust et l’ajustement chiropratique, il n’y a qu’une seule différence : les ostéopathes privilégient plutôt les bras de levier longs alors que les chiropraticiens utilisent des bras de levier courts.
Le problème consiste donc à comparer les manipulations vertébrales médicales et les manipulations ostéopathiques avec thrust!
Les points communs
- les contre-indications radiologiques et médicales -> elles sont les mêmes
- Les positions du patient pour la mise en tension -> elles se ressemblent beaucoup, à peu de choses près
- le craquement -> il a la même origine
- le résultat à court terme -> l’action sur le système nerveux sympathique provoque une réaction de bien être général
- le soulagement de la douleur -> il est immédiat ou parfois au bout de 24 à 48 heures
Les différences
Manipulations vertébrales médicales | Manipulations ostéopathiques avec thrust | |
dans l’indication | la manipulation est la seule réponse autre que médicamenteuse. | le thrust ne s’impose qu’en cas de fibrose. D’autres techniques peuvent être employées en cas de contre-indication au thrust. |
dans le diagnostic | la douleur est souvent le seul moyen de diagnostic et la région douloureuse est la seule partie traitée. | la recherche de la CAUSE de la douleur à travers l’analyse physiologique précise et la palpation fine de l’ostéopathe amène à « aller voir ailleurs » où est le vrai problème. |
dans la préparation | la manipulation est faite sans préparation et la manipulation n’est pas reproductible immédiatement. | le thrust est précédé d’une préparation minutieuse des tissus à la recherche de la disparition des tensions ligamentaires, musculaires, fasciales, viscérales et crâniennes. Le thrust est le dernier geste technique. Il peut être reproduit si nécessaire et sans danger. |
dans l’action | la manipulation est le plus souvent globale, agissant sur plusieurs articulations à la fois, étirant anormalement les ligaments, forçant les articulations hors de leur limites physiologiques et de leur barrière de défense | précision, rapidité : pas de puissance, pas de force. |
dans les risques |
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en cas de mauvaise exécution | risque de créer une entorse vertébrale avec déchirure ligamentaire, douleur violente et immobilisation. | risque de n’avoir rien fait – risque de provoquer une irritation passagère des tissus. |
en cas de répétition | l’action étant moins spécifique, la même articulation risque d’être impliquée plusieurs fois dans la même séance. | on ne « thruste » pas deux fois la même vertèbre dans la même séance. |
à la longue | fragilisation de l’articulation avec laxité des ligaments puisque hors des limites physiologiques articulaires. | aucune répercussion puisque exécuté dans les limites physiologiques de l’articulation. |
dans les adjonctions à l’action | aucun traitement manuel des tissus mous en dehors du massage. | action en douceur sur les structures maintenant la lésion. |
| agression des tissus avec les produits médicamenteux, multi-piqûres, infiltrations – effets secondaires importants des anti-inflammatoires. | adjonction de techniques douces en vue d’une stabilisation de la guérison |
dans les études | 2 ans d’études soit 24 week-ends de 2 jours | Études scientifiques exigeantes avec une pratique constante : 6 ans d’études |
Cette comparaison est librement inspirée de L’ostéopathie, exactement, Lionnelle et Marielle Issartel, Édition Laffont, Paris 1983, p. 214-221.
L’ensemble de ce dossier s’est appuyé sur divers livres, cités en notes, que l’on peut trouver à la page « Livres », du livre de Robert Maigne, sur les diverses pages Internet que l’on peut consulter sur n’importe quel moteur de recherche (nous nous sommes servi de Google www.google.fr/ en tapant « manipulations vertébrales »), des conseils avisés de Cyril que je remercie ici personnellement.
Les références et articles médicaux – articles médicaux sur l’Internet
Outre les articles déjà cités, on peut aller consulter :
Étude critique des manipulations vertébrales, J.B. Angot, P. Béraud, Ph. Stora – http://docteur.beraud.free.fr/ma.html
Manipulations vertébrales : Quelques réflexions par : Daniel THOMAS Médecine physique Polyclinique Jean VILLAR (BORDEAUX-BRUGES) www.santeweb.com/ArticlesMedecine.asp?Sid=17
Manipulations vertébrales : la responsabilité du médecin, Dr Jean-Claude GOUSSARD www.anmsr.asso.fr/anmsr00/49/goussard.htm
Les accidents des manipulations vertébrales cervicales : www.anmsr.asso.fr/anmsr00/54-rach-cerv/manip.htm
Manipulations des vertèbres cervicales et traumatisme de l’artère vertébrale : à propos de deux cas Y. ALIMI , I. TONOLLI , P. DI MAURO , V. LAFAY , J.G. VELUT , P. BARTHELEMY , Y. FRANCES , C. JUHAN – Journal des maladies vasculaires (Masson) – www-sante.ujf-grenoble.fr/SANTE/jmv/jmv/1996/96tome5/96-t5-res11.html
Approche non médicamenteuse de la douleur chronique www.usp-lamirandiere.com/tt_non_med.htm
Les livres sur les manipulations
Manipulations vertébrales, Robert Maigne – l’Expansion scientifique
Manipulations vertébrales et syndromes articulaires postérieures. Dr. J-Y MAIGNE
HERISSON Lombalgie et Évaluation – Les manipulations vertébrales Anatomie biomécanique, modes d’action, examen clinique prémanipulatif, techniques et indications, contre-indications et accidents. Une partie est également consacrée à la législation et à l’enseignement. — paru en 94 –324 pages- ISBN 2-225-84462-3
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Sturzenegger M. : Dissektion der Arteria vertebralis nach Manilulation der Halswirbelsäule. Schweiz Med Wochenschr. 1993 123 1389-1999
Tatlow W., Banner H.G. : Syndrome of vertebral artery compression. Neurology 1957 7, 331-336
Toole J.F., Tucker S.H. : The influence of head position upon flow throught the vertebral and internal carotid artery a post-mortem study. Arch. Neur. 1960 2, 616-623
Trédaniel Christian: Réflexions étiopathiques sur la dissection artérielle. RIME no 14 novembre 1994
Notes
- 1 – SUEUR Gérard, L’ostéopathie, la Santé au bout des doigts, Le livre de poche n° 8131, p. 15.
- 2 – MAIGNE Robert, Douleurs d’origine vertébrales et traitements par manipulations, L’Expansion éditeur, 2ème édition entièrement revue, Paris, 1974. – Nouvelle édition Elsevier 2006.
- 3 – article des Drs J.B. ANGOT, P. BERAUD, P. STORA, Étude critique des manipulations vertébrales.
- 4 – L’ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé. L’ANAES a été remplacée par la Haute Autorité en Santé (HAS) www.has-sante.fr
- 5 – Prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies et lombosciatiques communes de moins de trois mois d’évolution – texte des recommandations : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/lombreco.pdf
- 6 – Ce qui est surprenant, c’est que certains médecins français publient le résultat de leurs études dans des journaux chiropratiques étrangers alors qu’ils critiquent ouvertement, mais en France, ces mêmes chiropraticiens! Auraient-ils besoin de reconnaissance? Allez donc savoir pourquoi? voir : Highlighting of intervertebral movements and variations of intradiskal pressure during lumbar spine manipulation: A feasibility study – Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics – October 2000 • Volume 23 • Number 8 • p531 to p535 – Jean-Yves Maigne, MD, François Guillon, MD. , PhD – Journal of Manipulative Physiological Therapeutics
- 7 – Donnons ici, pour mémoire, la définition que R. MAIGNE donne de la mobilisation : » La MOBILISATION est un mouvement passif qui est généralement répété. Elle ne dépasse pas le jeu passif normal d’une articulation, ou d’un ensemble d’articulations. Elle ne comporte aucun mouvement brusque ou forcé » opus cité p. 71.
- 8 – Kinésithérapie et Ostéopathie – R. Richard
- 9 – Manipulations vertébrales : Quelques réflexions par : Daniel THOMAS Médecine physique Polyclinique Jean VILLAR (BORDEAUX-BRUGES) www.santeweb.com/article-q2qjopx6tu62r3pi9aaz-manipulations-vertebrales.html#.UslIELRXvlY
- 10 – MAIGNE Robert, op. cit.
- 11 – VAUTRAVERS Ph. , LECOCQ J. Fréquence des accidents vasculaires après manipulations vertébrales cervicales. Facteurs de risques. Une analyse de la littérature. La Revue de Médecine Orthopédique N°52, Mars 98 , 8-11. in Manipulations vertébrales.
- 12 – Les accidents des manipulations vertébrales cervicales : www.anmsr.asso.fr/anmsr00/54-rach-cerv/manip.htm ‘site fermé)
- 13 -Bulletin n° 13 de l’Association « Ostéo de France » www.osteopathie-fr.com/actu/bul13/bul013_12.htm
- 14 – TEYSSANDIER M.J. , DUKAN J.P., SIMON J. Les accidents des manipulations vertébrales : classification d’intérêt médico-légal. In C. HERISSON et Ph. VAUTRAVERS. Les manipulations vertébrales. Masson, Paris, 1994, 293-295 in Manipulations vertébrales.
- 15 – Cette description des techniques ostéopathiques est due à par François Le Corre et Serge Toffaloni dans leur livre L’ostéopathie, page 39 et sq.- collection Que sais-je? n° 3139, PUF
- 16 – L’ostéopathie, la santé au bout des mains, Gérard Sueur, Le livre de poche 8131, p. 121
- 17 – C’est la définition de la manipulation vertébrale médicale : » mobilisation forcée de l’articulation au delà de son jeu physiologique mais sans atteindre bien sûr la luxation »
- 18 – François Le Corre et Serge Toffaloni, L’ostéopathie, page 43
- 19 – Voir au sujet du craquement et du pop articulaire notre dossier Le « crac » articulaire
- 20 – Ce n’est pas en quelques week-ends que l’on forme un ostéopathe : 6 ans d’études sont nécessaires pour acquérir la maîtrise de la science ostéopathique et ce n’est pas pour rien!