« Je n’utilise pas les dysfonctions ostéopathiques »

Au détour d’une discussion avec un collègue, cette phrase m’interpelle.

Du fait de ses convictions vers l’Évidence Based Practice (EBP)1, il considère que : « les dysfonctions ostéopathiques ne sont pas prouvées ». Comment fait-il alors pour faire son diagnostic ostéopathique ?
Il me parle de zones de tension, de différences de texture…

Je suis alors surpris et je vais vous expliquer pourquoi.

Sa représentation de la dysfonction

Sa représentation de « la dysfonction » semble être uniquement liée à une perte de mobilité.
Par exemple les fameuses ERS ou FRS de Fryette.

Je comprends que l’on n’adhère pas entièrement à un modèle qui est purement théorique. Il permet certes de faciliter la visualisation et l’apprentissage, mais il est loin d’être parfait.

La dysfonction

Mais en réalité, qu’est-ce qu’une dysfonction ?

Au cours du temps plusieurs définitions sont apparues. Notamment celle qu’on appel START2 ou TART, qui est utilisée de manière internationale et pour de nombreuses études :

  • S : Strain (contrainte, tension, subluxation) ;
  • T : Tissue texture changes (changement de texture des tissus) ;
  • A : Asymetry of position and motion (asymétrie de position et de mouvement) ;
  • R : Restricted range of motion (restriction de l’amplitude du mouvement) ;
  • T : Tenderness (sensibilité).

Cependant, en France, la définition de la dysfonction ostéopathique se trouve dans le droit français3.

Dysfonction ostéopathique :

Altération de la mobilité́, de la viscoélasticité́ ou de la texture des composantes du système somatique. Elle s’accompagne ou non d’une sensibilité́ douloureuse.

La définition officielle4 de la dysfonction ostéopathique met en avant 3 composantes :

  • La mobilité5 ;
  • La viscoélasticité : Associée au mécanisme de biotenségrité, la viscoélasticité caractérise les matériaux qui présentent à la fois des propriétés visqueuses et élastiques6. Ce qui est le cas des tissus humain par la présence d’élastine et de glycosaminoglycanes GAG. Cette double propriété permet au tissus sous contrainte de se déformer de manière réversible et irréversible7 ;
  • Texture : Disposition et entrelacement des fibres, des éléments constitutifs du tissu organique8.

Discussion

Quelle que soit la définition choisie, une dysfonction ostéopathique ou somatique n’est pas uniquement une perte de mobilité.

On ne peut donc pas se restreindre à une représentation de la dysfonction s’arrêtant à la mobilité. Bien qu’un modèle d’apprentissage soit nécessaire pour mieux appréhender la physiologie, la biomécanique et l’anatomie du corps et de ses articulations, il faut comprendre que l’altération de la mobilité n’est pas la seule composante de la dysfonction ostéopathique.

Ce collègue, orienté par ses croyances, semble utiliser la dysfonction ostéopathique sans le savoir…

Une dysfonction ostéopathique peut tout à fait être une modification de la densité d’un tissus ou une altération de sa compliance9.

J’invite tous ceux qui me lisent à réfléchir à la cohérence des propos. Ceci n’est pas un reproche fait à l’EBP mais bien un reproche à l’incohérence. Les praticiens avec des convictions plus traditionaliste peuvent tout autant présenter ce défaut.


  1. Ou plutôt ce qu’il croit être de l’EBP. ↩︎
  2. Selon l’Association Ostéopathique Américaine (AOA) la dysfonction somatique se définit par l’acronyme START. ↩︎
  3. Présente dans le glossaire de l’annexe I de l’Arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie ↩︎
  4. En France. ↩︎
  5. Celle que l’on n’oublie jamais et dont je ne sens pas la nécessité de definir ↩︎
  6. Futura Science, Viscoélasticité : qu’est-ce que c’est ? , https://www.futura-sciences.com/sciences/definitions/physique-viscoelasticite-2096/ ↩︎
  7. Je vous invite à explorer les travaux de Guimberteau qui montrent que le tissus se déforme et s’adapte instantanément à un pression ou une tension. Le tissus se réarrange sans jamais vraiment retourner à son état initial. ↩︎
  8. Définition du CNRTL, https://www.cnrtl.fr/definition/texture ↩︎
  9. Compliance : En biologie, rapport de la différence de volume à la différence de pression. Définition de l’académie de médecine. ↩︎

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