Interview de François THIMJO, Ostéopathe
À l’occasion de la création du premier Diplôme universitaire (DU) d’Ostéopathie du Sport, créé à l’ Université de Bretagne Occidentale (UBO) www.univ-brest.fr/fc, François Thimjo, initiateur de ce DU nous a accordé une interview.
François, merci d’avoir choisi le Site de l’Ostéopathie pour annoncer ce DU Ostéopathie du Sport. Pourrais-tu nous dire comment cela s’est fait et pourquoi le créer à Brest ?
François THIMJO. D’abord merci au Site de l’Ostéopathie de relayer cette bonne nouvelle pour l’ostéopathie française. En ce qui concerne la genèse du projet, tu te souviens sans doute que c’est un dossier sur lequel je travaille depuis de nombreuses années ! En effet, j’ai créé la Société d’Ostéopathie du Sport en 2002, juste à la parution de la loi Kouchner, avec des amis ostéopathes, médecins, entraineurs et universitaires afin de développer la pratique de l’ostéopathie au service des sportifs et œuvrer pour l’intégration universitaire de l’ostéopathie en France, qui est à mon sens une des clés de sa reconnaissance institutionnelle et de son développement futur au plus haut niveau, une condition sine qua non de son existence dans le paysage sociétal de notre pays. Pour moi c’était une évidence, une convergence de mes parcours professionnels que je voulais unifier : tu sais qu’au départ je suis professeur agrégé d’éducation physique et sportive.
La SOS fit partie de la Coordination Nationale des Ostéopathes de 2003 à son extinction et j’ai donc participé aux travaux de la CNO en tant que vice président, comme tous les présidents des associations la composant. Je n’ai jamais cessé de travailler sur ce projet, mais il fallait d’une part attendre que les décrets soient parus, sans quoi aucune intégration universitaire ne pouvait se faire en l’absence de statut légal de la profession, ensuite trouver une université d’accueil jouant le jeu. Je ne cache pas que ce fut un combat long et difficile, parsemé d’embuches et si nous avons failli aboutir beaucoup plus tôt, tout était susceptible de remise en question jusqu’au dernier vote du dernier CA !
Mais le résultat est là, nous avons réussi et c’est une victoire pour l’ostéopathie, les ostéopathes, les patients, qui consacre enfin l’entrée à l’Université de notre profession, de notre discipline, et je crois vraiment que c’est une avancée majeure qui ouvrira des portes plus loin dans les années qui viennent, vers par exemple un master professionnel et un doctorat de recherche, je vais en tout cas continuer à me battre pour cela, mais ayant ouvert la porte de l’Université, je m’engage pour toute la profession à ne pas la laisser se refermer et continuer à travailler dans l’enthousiasme pour qu’une filière ostéopathie complète voie le jour à l’université française.
Donc pour toi, l’avenir de l’ostéopathie passe par son universitarisation. Mais quelle Université acceptera d’accueillir les étudiants en ostéopathie dans ses locaux ? Ne faudrait-il pas plutôt envisager des « partenariats » avec les écoles d’ostéopathie, du moins certaines ?
F. Thimjo. Je pense que les deux voies sont possibles et à envisager conjointement et sans a priori ! Le DU se fera dans les locaux de STAPS (1) à Brest et j’ai toujours défendu la création d’une filière sciences de la motricité comme licence de base, puis master orientation ostéopathie comme branche possible d’évolution, la filière STAPS, avec son enseignement et son pôle de recherche en biomécanique est tout a fait apte à construire une formation de ce type ! D’ailleurs cela existe sous une forme modérée il est vrai à l’ULB en Belgique (ISEPK) (2) qui offre une licence sciences de la motricité avec option ostéopathie, puis un master option ostéopathie aux cotés de celui d’agrégation d’EPS ou kinésithérapeute rééducateur.
Je crois qu’il est nécessaire qu’il y ait une ou plusieurs filières en ostéopathie à l’Université à coté des écoles privées, comme cela existe pour les formations paramédicales, on peut cohabiter et si les professions médicales sont uniquement universitaires, il est nécessaire que chaque citoyen français puisse faire des études d’ostéopathe sans que la capacité financière de sa famille soit un handicap: En clair, je souhaite initier une formation universitaire au diplôme d’ostéopathe qui soit conforme au modèle républicain de formation à cout réduit, de telle sorte que tous puissent y accéder, et ainsi combler une injustice flagrante.
D’autre part, c’est en intégrant l’Université que l’on obtiendra un diplôme d’état, l’accès à la recherche fondamentale dans les laboratoires et la reconnaissance comme profession à part entière, sans compter l’image nouvelle donnée au public et aux différents partenaires du monde de la santé ! Avoir une formation universitaire reconnue et validée pour un professionnel du secteur de la santé, cela change tout !
Penses-tu que la formation universitaire européenne de l’Ostéopathie soit un élément d’avenir pour l’Ostéopathie et les ostéopathes ?
F. Thimjo. Je considère que l’harmonisation des diplômes et formations professionnalisantes en Europe ainsi que l’universitarisation des professions de santé sont des orientations prises depuis quelques années et cela facilitera la libre circulation des professionnels ostéopathes en Europe dont je suis un fervent militant (de l’Europe unie). L’avenir de l’ostéopathie est lié à l’avenir du développement de l’Europe et le FEO (3) est une excellente chose
Tu n’es pas tout seul dans cette affaire. Qui sont les enseignants et les partenaires à l’Université ?
F. Thimjo. Non bien sur ! nous avons essayé de nous entourer de professionnels ostéopathes de grande qualité, et constitué une équipe soudée et complémentaire autour notamment de Patrick BASSET, Guillaume CAUNEGRE, Jean Marc TENENHAUS et bien d’autres, afin de proposer un concept innovant, très porté vers l’avenir et en utilisant les ressources propres de l’université, notamment en terme de sciences du sport et de la santé et l’intégration de la biomécanique et de la préparation physique
Comment va s’organiser ce DU Ostéopathie du Sport ?
F. Thimjo. Il se fera sur une année universitaire, à raison de deux jours et demi en fin de semaine une fois par mois, avec un continuum de formation entre des enseignants universitaires, ostéopathes pour la théorie, la clinique et les applications pratiques, mais aussi un stage conventionné en immersion dans une structure sportive avec un mémoire et une évaluation formative et un jury mixte Université/Ostéopathes. Ce qui est à retenir, c’est que des intervenants de haut niveau, médecins, sportifs, responsables de fédérations, professionnels de santé viendront compléter les contenus d’enseignement et de formation afin de donner des outils très pointus et très actuels sur ce domaine objectif : rendre les futurs diplômés le plus performants possible.
Sachant qu’il existe d’autres formations, non universitaires, pour les ostéopathes, comment ces derniers pourront-ils intégrer ce DU et être reconnus alors qu’ils ont déjà suivi une formation, différente bien sûr, mais qui à leurs yeux est valide ?
F. Thimjo. Je crois qu’il n’y a aucun problème, le DU est une formation continue spécifique « post graduate » en ostéopathie du sport, c’est une première, une innovation dans le paysage et chacun pourra y trouver son compte, du moins nous l’espérons ! Le fait d’obtenir un diplôme universitaire professionnel spécifique sera un plus pour son titulaire et cette avancée majeure sera certainement très prisée par les milieux sportifs institutionnels et reconnue par les différents partenaires comme un gage de qualité, c’est donc un plus, une chance pour nous tous.
Comment cette formation sera-t-elle intégrée dans la vie des clubs et des sportifs ?
F. Thimjo. D’abord, pendant la formation, sous la forme d’un stage dans une structure sportive avec une convention université/club ou fédération, ensuite en travaillant en amont et en aval avec les ministères concernés, les fédérations, les clubs, le CNOSF (4), les autres professionnels de santé impliqués, afin de promouvoir, expliquer, favoriser le développement de l’ostéopathie dans le milieu sportif et rendre pérenne son développement avec comme ambition, à terme, de rendre la présence d’un ostéopathe exclusif comme une évidence auprès des sportifs de toute provenance, et intégrer des représentants des ostéopathes au sein des commissions médicales officielles, nationales et régionales. Les ostéopathes diplômés seront référencés et représentés par le SNOS (Syndicat National des Ostéopathes du Sport), qui est partenaire du DU et qui représentera les ostéopathes auprès des instances sportives et ministérielles, ainsi que tous les partenaires et structures impliquées dans ce champ.
Face aux instances sportives, comment se situeront les nouveaux diplômés ?
F. Thimjo. Nous espérons que cette formation et ce diplôme seront un outil performant et pertinent pour ouvrir les portes en grand aux ostéopathes désirant œuvrer dans le domaine spécifique de l’accompagnement des sportifs et donner envie aux confrères de se lancer dans cette aventure d’une validation professionnelle universitaire qui je le répète est une première et ouvre des horizons nouveaux à la profession en la projetant vers l’avenir
Quelles sont les conditions pour s’inscrire à ce DU ? Faut-il avoir déjà une expérience d’ostéopathe dans le milieu sportif ?
F. Thimjo. C’est un DU ouvert à tous les ostéopathes exclusifs ! il n’y a pas de restriction, bien sur, il intéressera des confrères déjà impliqués depuis longtemps dans le milieu sportif et qui souhaiteront trouver une reconnaissance universitaire tout en complétant leurs connaissances, mais également de jeunes diplômés d’écoles agréées qui souhaitent compléter leur formation avec un diplôme universitaire avant de se lancer dans leur vie professionnelle, ce qui leur permettra d’enrichir leur bagage et de compléter leur expérience et leur compétence en ouvrant une voie d’excellence pour toute leur carrière. Nous pensons également que les ostéopathes enseignants et formateurs des écoles d’ostéopathie seront intéressés par un diplôme universitaire qui est toujours très prisé dans l’enseignement et complète un CV de manière fort apprécié, notamment à l’international. D’ailleurs nous accueillerons également des ostéopathes étrangers sous réserve d’une bonne maitrise de la langue et d’équivalence de diplôme!
Donc je crois que chacun peut s’y retrouver et nous veillerons à ce qu’il y ait un équilibre entre « anciens » et jeunes, hommes et femmes, et que chacun y trouve son compte quitte à proposer des parcours différenciés en fonction des profils, en tenant compte du vécu de chacun. C’est la propriété de toute la profession, quelle que soit l’origine, l’appartenance à tel ou tel syndicat, La première formation diplômante universitaire pour ostéopathes exclusifs est un enjeu trop important, historique, pour qu’il soit restrictif en quelque manière que ce soit! Il est la réussite et la consécration de toute la profession, et je tiens à remercier tous ceux qui dans l’histoire de notre profession, ont apporté leur pierre à l’édifice qui se dote aujourd’hui d’un étage supplémentaire, nous sommes tous peu ou prou copropriétaires de cette réussite qui rejaillit sur l’ensemble de l’ostéopathie et des ostéopathes français et européens.
Tu as parlé du début de ta vie professionnelle en tant que professeur d’éducation sportive. Pourrais-tu nous parler de ton parcours à partir de l’EPS, comment l’idée de faire ostéopathie t’est-elle venue ?
F. Thimjo. J’ai rencontré l’ostéopathie en étant soigné par un ostéopathe enseignant et médecin, ami et disciple de BROOKES pendant mes études du professorat d’EPS en 1981, il m’a permis de passer sans encombre le professorat après des pépins physiques et je l’ai ensuite suivi dans son enseignement, faisant mes études d’ostéopathe avec lui tout en continuant ma carrière de prof… En 2002 j’ai décidé de me donner totalement à l’ostéopathie et c’était tout naturel pour moi de poursuivre le projet de réunir l’université, le sport et l’ostéopathie, mes trois formations originelles…Quoi de plus évident? Nous avons failli aboutir plusieurs fois, mais rien n’était possible avant la parution des décrets… Rendons nous compte que nous décrochons un diplôme universitaire spécifique seulement trois ans après la parution des décrets ! C’est assez extraordinaire alors que les kinés et les infirmières ont attendus des dizaines d’années ! Et nous ne nous arrêterons pas là ; la prochaine étape sera un master professionnel et si possible un doctorat de recherche…Ce ne sera pas facile mais j’y crois ! En tout cas je me battrai pour cela ; les portes de l’université se sont ouvertes et ne se refermeront pas ! A nous d’avancer avec la fierté légitime qu’apporte cette forme de consécration de notre discipline ! Nous avons déjà réussi cette première étape et crois moi ce n’était pas gagné, il a fallu beaucoup de travail, d’abnégation, on pourrait même dire de foi et c’est très réconfortant de voir que malgré les difficultés, lorsqu’on croit fermement et sereinement à la justesse de ses combats, on peut aboutir…
Tu milites pour l’Ostéopathie depuis plusieurs années, pourrais-tu nous parler de tes motivations et comment tu vois le devenir de l’ostéopathie en France et en Europe
F. Thimjo. Je crois que l’avenir de l’ostéopathie en France et en Europe passe par une reconnaissance de son autonomie et de son originalité au plus haut niveau, comme profession de santé indépendante et libre, mais dans une coopération harmonieuse avec les différents acteurs de la santé et les instances gouvernementales, dans le respect mutuel. Je crois également que l’ostéopathie a encore un chemin d’évolution extraordinaire devant elle et qu’elle n’a pas fini d’explorer ses limites et de progresser. Pour ce faire elle n’a rien à craindre de la recherche, de l’évaluation, de l’expérimentation, bien au contraire, et c’est en intégrant l’Université qu’elle pourra dialoguer et se confronter, dans le bon sens du terme, aux autres disciplines et chercheurs, et ainsi évoluer, prouver, trouver son assise et se développer en perpétuel enrichissement conceptuel, opérationnel et relationnel avec les autres sciences de la santé. J’ai toujours pensé que l’ostéopathie était une médecine pour le troisième millénaire, universelle, mondialiste, au bon sens du terme, comme la musique ou l’art en général, un archétype humain sans cesse identifiable et pourtant toujours renouvelé, l’alliance de la tradition et de la modernité, soigner ses semblables avec ses mains, quoi de plus beau et de plus exaltant ?
- Télécharger la plaquette du DUdu_osteo-sport.pdf
Notes
1. STAPS : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives
2. ULB : Université Libre de Bruxelles www.ulb.ac.be
3. FEO : Fédération européenne des ostéopathes www.efo.eu – Voir également la présentation du FEO (format pdf)
4. CNOSF : Comité National Olympique et Sportif Français : https://cnosf.franceolympique.com/cnosf/