ICEPS Conférence
Le Congrès ICEPS s’est déroulé à Montpellier du 28 au 30 mars 2019. Nous étions présents à cet événement pour présenter des travaux de recherche sur la fasciathérapie et la somato-psychopédagogie produits par le CERAP.
Nous vous faisons partager dans le compte-rendu qui suit ce que nous avons retenu de cet événement de haute tenue et très enthousiasmant. Vous pouvez retrouver la liste des communications sur le site du congrès ICEPS 2019.
Le terme Interventions Non Médicamenteuses (INM) a été proposé par l’ICEPS 2017 pour définir l’ensemble des approches non pharmacologiques fondées sur la science ayant un impact sur la santé humaine un ensemble via des mécanismes physiologiques et/ou psychologiques (Plate-forme CEPS). Ces interventions couvrent un large éventail de pratiques issues de la médecine conventionnelle (kinésithérapie, activité physique) et de la médecine complémentaire (ostéopathie, naturopathie, médecine chinoise, etc…). Ce congrès a soulevé la problématique de la reconnaissance de ces interventions et la difficulté d’en dresser une liste exhaustive. Il a également souligné l’urgence de légiférer et de réglementer leur exercice en lançant l’appel de Montpellier du 28 mars 2019 et en relayant l’engagement de Berlin de 2107 pour la promotion de la médecine intégrative.
Une partie des interventions a porté sur le concept de médecine intégrative qui a été présentée comme la médecine du futur : cette médecine personnalisée et individualisée se veut résolument humaniste et soucieuse de prendre en compte la complexité de l’action de soin. Les INM ne doivent plus seulement être « tolérées » ou aux mieux « inclues » dans la médecine conventionnelle. L’heure est venue de les intégrer dans le parcours de santé des patients : il s’agit bien de combiner les approches complémentaires avec les approches conventionnelles pour le mieux-être des patients. Cette intégration ne sera toutefois possible que si les INM apportent les preuves de leur efficacité, de leur utilité et de leur inocuité.
Dans cette perspective, cette médecine doit développer ses propres critères de jugement et choisir des critères centrés sur le patient et non exclusivement sur la maladie. En effet, plusieurs orateurs ont souligné le paradoxe entre le peu de preuves scientifiques de l’efficacité des médecines complémentaires et la grande satisfaction des patients pour celles-ci. Face à cet état de fait, plusieurs pistes ont été proposées : la médecine intégrative ne peut pas reposer uniquement et exclusivement sur la logique biomédicale et statistique qui prévaut dans la médecine conventionnelle. Le recours aux sciences humaines et sociales est incontournable pour construire cette nouvelle science médicale. Il ne s’agit donc pas seulement de rechercher à prouver l’efficacité de ces approches mais de comprendre leur utilité et leur niveau d’efficience en donnant la parole aux patients qui y recourent mais aussi aux soignants qui les mettent en œuvre. Pour parvenir à ces fins, les méthodes d’évaluation doivent être diverses et novatrices : 35 modèles différents d’évaluation sont disponibles. La recherche sur les médecines complémentaires existe et est possible comme l’a montré ce congrès. Le principal obstacle est le financement.
Toutes les enquêtes sociologiques présentées lors du congrès ont démontré la pertinence et l’utilité de combiner médecine conventionnelle et non conventionnelle. Plusieurs présentations ont ainsi souligné que les patients qui suivent des traitements conventionnels ont recours également à des pratiques complémentaires et ce rarement avant la médecine conventionnelle ou en remplacement de celle-ci. Il est aussi ressorti de ces différentes interventions que les patients souhaiteraient que leur médecin soit au courant de leur recours à la médecine complémentaire, que ces pratiques soient exercées par des professionnels de santé, qu’elles soient proposées à l’hôpital et enseignées à l’université. Ils attendent de ces approches qu’elles les soignent, prennent soin d’eux, les aident à prévenir les maladies et non qu’elles les guérissent. Leur action n’est donc pas confondue avec celle des traitements médicaux à visée curative.
Les résultats de l’enquête sur l’usage des INM pilotée par la plate-forme ICEPS présentée à cette occasion indiquent que les principaux troubles de santé pour lesquels les patients font le plus fréquemment appel aux INM sont les problèmes multiples, les rachialgies, les douleurs, le stress, la prévention ou encore les troubles digestifs. Le cancer, la migraine ou encore l’arthrose qui sont des maladies organiques et lésionnelles ont moins la faveur des patients. Le traitement de la douleur est sans doute le domaine dans lequel les médecines complémentaires sont les plus utiles en raison des limites de la médecine conventionnelle et de l’aspect multidimensionnel de l’expérience de la douleur. Les INM peuvent aussi s’avérer utiles pour les soignants. Des expérimentations ont été présentées montrant que des programmes de méditation ou d’autres INM pouvaient contribuer à leur bien-être au travail.
La reconnaissance des INM en France a également été un sujet de réflexion important pour tous les congressistes. Les orateurs ont déploré qu’il n’existe pas d’agence d’évaluation des pratiques non conventionnelles en France ou en Europe comme c’est le cas aux USA où la NCCIH (National Center for Complementary and Integrative Health) a déjà investi 2,7 milliards de dollars pour la recherche et l’évaluation des thérapies complémentaires. En Europe, le rapport Cambrella de 2012 qui devait aboutir à des recommandations n’a pour le moment pas été suivi d’effets et de décisions au niveau européen. La question de l’encadrement de l’exercice et de la formation des INM en France a été soulevée sous l’angle suivant : l’enseignement doit-il se faire dans l’université afin d’assurer la rigueur des contenus et des formations et délivrer des certifications universitaires ? L’exemple de la Suisse qui a reconnu récemment les médecines complémentaires a été présenté. Ce pays a choisi de ne pas passer par l’enseignement académique afin de ne pas disqualifier les thérapeutes compétents et reconnaissant que les formations privées étaient de bonne qualité. Il a donc été choisi de définir des standards de formation et de compétence qui sont supervisés par des organismes d’état.
60% de la population mondiale a recours aux Interventions Non Médicamenteuses ce qui représente un marché estimé de plus de 360 milliards de dollars en 2017. Des estimations font état d’une croissance potentielle de 5% par an. En Europe et plus particulièrement en France, les INM n’ont pas encore trouvé leur place dans le parcours de santé et suscite encore et toujours des réticences de la part du milieu médical à l’image des controverses concernant l’homéopathie ou l’ostéopathie. Ce congrès ICEPS a apporté la preuve que les INM ont toute leur place dans le système de santé à condition que ces dernières démontrent leur utilité et leur efficience en s’appuyant sur des recherches scientifiques.
Nous avons été heureux de participer à ce congrès qui ouvre la voie pour une reconnaissance scientifique des INM faisant la part belle à la diversité des méthodologies de recherche et mettant au centre de l’évaluation le point de vue du patient et du soignant. La dynamique de recherche sur la fasciathérapie et la somato-psychopédagogie initiée depuis plusieurs années avec le soutien du CERAP, des associations professionnelles et des organismes de formation français et étrangers est plus que jamais nécessaire et indispensable pour apporter la preuve de l’utilité de ces INM.
Nous nous préparons dès maintenant pour le prochain Congrès ICEPS 2020 qui aura lieu à Toulouse et dont le thème sera : « Prévenir et soigner les douleurs avec des Interventions Non Médicamenteuses »
C. Courraud, I. Bertrand, C. Dupuis
Nous remercions particulièrement les auteurs C. Courraud, I. Bertrand, C. Dupuis, et TMG Concept de nous avoir autorisé à reproduire de compte-rendu