Encéphalomyélite Myalgique / Syndrome de Fatigue Chronique – Cas clinique ostéopathique

Introduction

Le syndrome de fatigue chronique (SFC), également connu sous le nom d’encéphalomyélite myalgique (EM), que l’on retrouve le plus souvent sous l’acronyme EM/SFC, est une pathologie relativement rare car elle ne touche que 0,5% de la population [1]. Cette pathologie a eu différents noms au cours du temps mais l’EM/SFC semble être le plus fréquent [3][8].

L’EM/SFC est caractérisée par une fatigue intense et persistante qui n’est pas améliorée par le repos et peut s’aggraver avec une activité physique ou mentale, même légère.

Les personnes atteintes d’EM/SFC ont souvent d’autres symptômes associés à la fatigue d’où l’appellation syndrome

On considère une EM/SFC lorsque le patient présente une fatigue extrême qui perdure depuis au moins 6 mois  [1][2][3][8]. La fatigue est d’origine inconnue, d’apparition nouvelle qui n’est pas significativement améliorée par le repos (sommeil non réparateur).

Le patient présente également une diminution significative de la qualité de vie, avec une altération du niveau des activités personnelles, professionnelles ou sociales qu’il réalisait auparavant. [2][3] Le syndrome est le plus souvent associé à des malaises post-effort. [2][3]

Les causes exactes de l’EM/SFC ne sont pas entièrement comprises à ce jour ; mais des facteurs génétiques, immunitaires, infectieux et environnementaux sont suspectés.

Enfin, il n’existe actuellement aucun traitement curatif. Les traitements sont principalement symptomatiques et visent à améliorer la qualité de vie.

Dans le cas présenté ici, lorsque la patiente a pris rendez-vous en signalant avoir cette pathologie, je me suis renseigné afin de pouvoir assurer une prise en charge la plus pertinente possible. Lors de mes études, il n’avait jamais été fait mention de ce syndrome, c’est pourquoi j’ai dû me documenter en conséquence. Je vais vous présenter dans ce cas clinique l’évolution du patient et de ses symptômes dans son accompagnement ostéopathique en pluridisciplinarité avec la médecine allopathique.

Matériel & méthode

Questionnaire de Symptôme

En clinique le patient n’a que rarement l’entièreté des symptômes notifiés dans les articles & livres de sémio-pathologie de sa pathologie. Nous nous devons de prendre en compte le patient et son syndrome. J’ai donc créé un questionnaire pour avoir des informations spécifiques au cas présent.

Après quelques recherches [1][2] (rapides je le conçois aisément…) il ressort que les symptômes courants de cette pathologie sont les suivants :

  • Fatigue 
  • Troubles du sommeil / sommeil non réparateur
  • Faiblesses musculaires
  • Douleurs articulaires
  • Altération cognitives : trouble de la concentration et de la mémoire
  • Intolérance orthostatique (symptôme lié au changement de position)
  • Cervicalgie
  • Adénopathie 
  • Fièvre
  • Céphalées
  • Maux de gorge 

Pour créer le questionnaire, j’ai ajouté à cela l’item “autre” pour laisser le champ libre pour exprimer d’autres symptômes en lien direct ou non avec la pathologie.

Pour notifier l’évolution les questions concernent les symptômes que le patient a pu ressentir au cours des 4 semaines précédentes avec un classement gradué de 5 niveaux, allant de 0 à 4 selon le classement suivant :

0 – Je n’ai pas ce symptôme                                                       
1 – J’ai ce symptôme et cela… Ne me dérange pas             
2 – 
J’ai ce symptôme et cela… Me dérange un peu               
3 – 
J’ai ce symptôme et cela… Me dérange beaucoup     
4 – 
J’ai ce symptôme et cela… Me dérange énormément

Questionnaire de Qualité de vie

Comme toute pathologie chronique, la qualité de vie est un point clé pour l’évolution favorable de la patiente, c’est pourquoi je lui ai également proposé un questionnaire de qualité de vie, le questionnaire SF-12.

Ce questionnaire donne deux scores, un score mental et un score physique.

La Prise en charge Ostéopathique 

J’ai réalisé une prise en charge de pratique courante. La pathologie de la patiente étant une pathologie chronique où l’objectif de la consultation, pour l’ostéopathe & la patiente, est l’amélioration de la qualité de vie. Brider une prise en charge par un protocole n’est pas opportun.

Pour plus de transparence, je vous signalerai ici les concepts utilisés pour le traitement ostéopathique : 

  • Technique d’énergie musculaire [4]
  • Force de traction médullaire [5]
  • Technique dite “structurel”
  • Hélice fasciale [5]
  • Technique de recoil
  • Technique dite de tissus mous
  • Technique dite “crânienne”
  • Traitement Ostéopathique Général (TOG)
  • Technique Chila
  • Technique de « défibrosage »

Je reste ouvert à la discussion pour parler de ces prises en charge, mais ce n’est pas le sujet de cet article.

Résultat

Questionnaire de Symptôme

Tableau 1 – évolution du syndrome du patient atteint d’EM/SFC au cours des consultations et du temps

Informations complémentaires :

Identification de la case « Autres » pour cette patiente : 

  1. Problème urinaire 
  2. Douleur d’endométriose

Date des consultations : 

  • C1 : 24 janvier 2024
  • C2 : 13 février 2024
  • C3 : 14 mars 2024
  • C4 : 15 avril 2024
  • C5 : 15 mai 2024
  • C6 : 03 juillet 2024
Schéma 1 – Évolution du score total des symptômes au cours du temps
Schéma 2 – Évolution du nombre de symptômes en fonction du dérangement ressenti par la patiente au cours du temps

Questionnaire de Qualité de Vie : SF-12

ScoreC1C2C3C4C5C6
🧠 Score Mental515043464546
💪Score Physique373930293037
Schéma 3 – Évolution du score mental & physique du SF-12 au cours du temps

Anamnèse

La patiente signale être sous traitement corticoïde (prednisone) [6] depuis le mois de septembre 2023

Dosage signalé : 

  • janvier 2024 – 10 mg par jour
  • février 2024 – 7,5 mg par jour
  • mars 2024 – 5 mg par jour
  • juillet 2024 – 5 mg par jour

Discussion

Analyse des résultats du Questionnaire de Symptôme

Le score total du questionnaire de la patiente évolue de -53,57% en 160 jours

Nous allons analyser ce qui concerne le nombre de symptômes.

Symptômes que la patiente a et qui la dérangent un peu, beaucoup ou énormément

  • C1 : 10 symptômes
  • C6 : 4 symptômes

Soit -60% sur la durée de la prise en charge.

  • 4 symptômes se sont maintenus à un niveau dérangeant :
    • Fatigue
    • Sommeil non-réparateur
    • Trouble du sommeil
    • Altération Cognitive : Trouble de la concentration
  • 6 symptômes ont diminué de catégorie :
    • Malaise post-effort
    • Altération Cognitive : Trouble de la mémoire
    • Intolérance orthostatique
    • Cervicalgie
    • Faiblesse musculaire
    • Autres (Problème urinaire / Douleur d’endométriose)
  • Aucun symptôme n’est entré dans cette catégorie.

Symptômes que la patiente a et qui ne la dérangent pas

  • C1 : 1 symptômes
  • C6 : 4 symptômes

Soit +300% sur la durée de la prise en charge.

  • 0 symptôme se sont maintenu à ce niveau tout au long de la prise en charge
  • 4 symptômes sont entrés dans cette catégorie par diminution de la sévérité :
    • Malaise post-effort
    • Intolérance orthostatique
    • Cervicalgie
    • Faiblesse musculaire
  • Aucun symptôme n’est entré dans cette catégorie par augmentation de la sévérité.

Symptômes absents chez la patiente

  • C1 : 4 symptômes
  • C6 : 7 symptômes

Soit +75% sur la durée de la prise en charge.

  • 4 symptômes se sont maintenus à ce niveau tout au long de la prise en charge :
    • Adénopathie
    • Fièvre
    • Maux de gorge
    • Céphalée
  • 3 symptômes sont entrés dans cette catégorie par diminution de la sévérité :
    • Altération Cognitive : Trouble de la Mémoire
    • Douleurs articulaires
    • Autres (Problème urinaire / Douleur d’endométriose)

En plus d’une diminution globale du score (-53,57%) on remarque une réelle diminution des symptômes dérangeants (-60%).

Analyse du questionnaire de qualité de vie : SF12

🧠 Score Mental

Le 🧠 Score Mental évolue de -5 pts

  • C1 : 51
  • C6 : 46

💪Score Physique

Le 💪Score Physique évolue de 0 pts

  • C1 : 37
  • C6 : 37

On ne voit donc aucune évolution significative du questionnaire de qualité de vie. En effet, une modification du score inférieur à ±5 n’est pas considérée comme significative. La marge d’erreur peut provoquer de petits changements dans les scores. Le SF12 se concentre sur les changements de 5 points ou plus. [7]

Conclusion

Il y a eu une amélioration globale notable avec une diminution (-60%) des symptômes dérangeants et une augmentation (+300%) des symptômes qui ne dérangent plus. La patiente a perçu un net progrès en concordance avec les résultats énoncés, son syndrome étant globalement moins handicapant, ce qui reflète une amélioration significative de son état général en seulement cent soixante (160) jours. 

Il est à noter que la patiente a continué à voir très régulièrement son médecin pour ajuster la prise médicamenteuse.
Nous observons cette diminution de symptômes malgré la diminution de la prise médicamenteuse.

Il faut tout de même prendre en compte la possibilité d’accoutumance de la patiente à ses symptômes, ce qui pourrait être un biais au remplissage du questionnaire.

En ce qui concerne la qualité de vie de la patiente, bien que l’évolution soit non significative, si on essaye de pousser l’analyse on remarque une légère diminution au départ, avec une nouvelle augmentation au cours du temps. La diminution de ces courbes peut éventuellement être corrélée aux événements de la vie de la patiente. 

En effet, depuis quelques mois, la patiente souhaite reprendre le travail à mi-temps thérapeutique. Cependant, cette reprise n’a pu se faire, en partie à cause de son état de santé. Cela peut créer, une diminution de ce score, tant de manière mentale que physique.

Aucun des rendez-vous réalisés n’a été imposé à la patiente en vue de ce protocole, elle a fait le choix conscient et éclairé de reprendre rendez-vous. Car même si le questionnaire SF-12 ne le montre pas, elle dit se sentir mieux et est ravie de voir enfin son traitement diminuer, ce qu’elle ne supportait pas auparavant. 

Effet Placebo ou non-spécifique ?

L’alliance thérapeutique est très important pour l’efficacité non-spécifique d’un traitement. Je vous proposer dans cette ouverture, deux axes principaux :

  • L’écoute ;
  • la relation patient-praticien.

Le fait de se sentir écouté et compris peut renforcer la confiance du patient envers le traitement et le professionnel de santé. Bien que cela ne fasse pas strictement partie de nos fonctions, un soutien émotionnel peut atténuer l’anxiété et le stress, contribuant ainsi à la réduction des symptômes et à l’amélioration du bien-être global. De plus, cette écoute attentive encourage l’engagement du patient dans son traitement et accroît sa motivation à suivre les recommandations et thérapies prescrites. Offrir une écoute attentive et faire preuve de compréhension peut améliorer la qualité de vie du patient en apportant un soutien émotionnel, même en l’absence de traitement médical actif, ce qui peut générer une perception de mieux-être.

La confiance dans la relation patient-praticien peut renforcer l’efficacité perçue du traitement, même lorsque celui-ci repose principalement sur des effets non spécifiques liés à la prise en charge. Une relation positive entre le patient et le professionnel de santé facilite une meilleure collaboration et améliore l’adhésion au traitement. Les patients qui se sentent compris sont plus enclins à suivre les recommandations et à s’engager activement dans leur prise en charge. Dans des conditions complexes comme le syndrome de fatigue chronique (SFC), où les symptômes sont souvent mal compris, le fait d’être validé par le professionnel de santé peut contribuer à une gestion plus efficace des symptômes.

Un dialogue ouvert peut améliorer la communication sur les attentes du traitement et permettre des ajustements plus fins du plan de soin, favorisant ainsi des résultats plus positifs. Ce ne sont ici que des ouvertures et réflexions personnelles, je vous invite à y réfléchir également. 

Michel Chêne
Ostéopathe D.O.

Bibliographie

[1] MSD Manuals. Syndrome de fatigue chronique [en ligne, vu le 17/08/2024] ; juillet 2023 : https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/sujets-particuliers/syndrome-de-fatigue-chronique/syndrome-de-fatigue-chronique

[2] Association Française du syndrome de fatigue chronique, Syndrome de Fatigue Chronique ou Encéphalomyélite myalgique ? [en ligne, vu le 17/08/2024] : https://www.asso-sfc.org/syndrome-fatigue-chronique.php

[3] Institute of medicine of the national academies, Beyond Myalgic Encephalomyelitis/ Chronic Fatigue Syndrome – Redefining an Illness, feb. 2015; p4 : https://www.asso-sfc.org/documents/201-Un-nouveau-nom-pour-le-SFC.pdf

[4] Mitchell F.L.. The Muscle Energy Manual: Concepts and Mechanisms, the Musculo Skeletal Screen, Cervical Region Evaluation and Treatment. 1995; 229p.

[5] Chêne P. Le Corps Tenségritif – Une ostéopathie efficace, rapide, simple. Vannes. Sully; mai 2022. 257 p.  ou Formation “Le Corps Tenségritif” réalisé par patrick Chêne

[6] VIDAL. Gamme de médicaments PREDNISONE BIOGARAN. [en ligne, vu le 26/08/2024]: https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/prednisone-biogaran-25109.html  

[7] Maruish ME. User’s manual for the SF-12v2 Health Survey. 3rd Edition. Lincoln. QualityMetric Incorporated. 2012; 324 p.

[8] Orphanet. Le syndrome de fatigue chronique. Mai 2008; 10p : https://www.orpha.net/pdfs/data/patho/Pub/fr/FatigueChronique-FRfrPub790v01.pdf 

[9] Ministère de la Santé et de la Prévention. [en ligne, vu le 06 mars 2023]. Les maladies rares : https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/maladies-rares/article/les-maladies-rares

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