© Antoine Carron D.O., Nice, France 1
La clé du larynx
La structure laryngée est maintenue par l’os Hyoïde jouant le rôle de croix d’attelle sur celle-ci. Cet os, libre de toutes articulations, est un carrefour des tensions myofasciales.
Les diverses structures du système d’haubanage exercent sur lui leurs influences, qui seront ensuite manifestées dans sa dynamique.
Le larynx est un organe complexe composé de nombreux cartilages et autres éléments fonctionnels.
Il intervient dans trois fonctions que sont : la respiration, la phonation et la déglutition. [1]
Point ANATOMIE
Le larynx peut se décomposer en trois étages :
- L’étage sus-glottique délimité en avant par l’épiglotte, en arrière par l’échancrure inter-aryténoïdienne, latéralement par les replis aryténo-épiglottiques et en bas par les cordes vocales supérieures.
- L’étage glottique contenant les cordes vocales qui délimitent ensemble la fente glottique. On y observe aussi les deux ventricules laryngés (ventricules de Morgani) formée par l’évagination de la muqueuse.
- L’étage infra-glottique correspondant à l’ouverture de la trachée sur le larynx.
Il se compose de trois cartilages impairs :
- Épiglottique,
- Thyroïde,
- Et cricoïde
Et de 4 cartilages pairs :
- Corniculés,
- Aryténoïdes,
- Cunéiformes (inconstant),
- Sésamoïdes (inconstant)
Ces différents éléments sont reliés entre eux par différentes membranes et muscle
Les troubles de déglutition ou dysphagie
La Membrane ou Ligament hyo-épiglottique
Elle relie la portion interne du bord supérieur de l’os hyoïde à la portion antérieure de l’épiglotte.
Il s’agit d’une bande de tissu conjonctif élastique permettant le mouvement correct de l’épiglotte lors de la déglutition.
Lors de sa bascule postérieure l’épiglotte est retenue par le ligament et ramenée en position neutre en fin de déglutition.
Cette membrane établit un lien de causalité directe entre la malposition de l’os hyoïde et la dysphagie sans altération du tonus.
Dans les cas de dysphagies non améliorées par la rééducation linguale, il peut être intéressant de vérifier la traction hyoïdienne. Car ses composantes latérales influent sur la mobilité épiglottique.
Cas clinique :
Madame X, 27 ans, consulte pour des douleurs cervicales et une sensation d’inconfort à la déglutition.
Elle décrit une sensation de mauvaise fermeture de la trachée qu’elle remarque notamment en buvant. Il lui arrive fréquemment de tousser après avoir bu, la toux étant déclenchée par la sensation de goutte dans la trachée.
Cela a débuté en même temps que les douleurs cervicales, il y a 7 mois à la suite d’une chute à cheval avec choc latéral.
Lors de l’interrogatoire nous mettrons en avant que la sangle du casque a, lors de la chute, comprimé la trachée.
Les examens médicaux sont négatifs.
Nous retrouverons entre autres un glissement latéral droit de l’os hyoïde.
À la suite de la séance, la dysphagie a disparu.
À noter qu’il existe aussi 4 autres éléments impliqués dans la statique épiglottique pouvant fournir une adaptation et diminuer le retentissement de certaines dysfonctions hyoïdienne sur la déglutition soit :
- Les ligaments glosso-épiglottiques reliant la face antérieure du cartilage épiglottique à la base de la langue.
- Les ligaments pharyngo-épiglottique qui s’étendent des bords latéraux de l’épiglotte à la paroi latérale du pharynx
- Le ligament thyro-épiglottique, tendu de l’extrémité inférieure de l’épiglotte au cartilage thyroïde.
- Les ligaments aryténo-épiglottiques tendus de la face antéro-externe du cartilage aryténoïde au bord latéral du cartilage épiglottique
A l’inverse cela signifie que la langue, le pharynx et le cartilage thyroïde peuvent aussi être à l’origine de dysfonction hyoïdienne et épiglottique donc de dysphagie.
Les troubles de la phonation
Point ANATOMIE
Tout d’abord un visuel sur les muscles de celle-ci :
Muscles crico-thyroïdiens :
Les muscles crico-thyroïdiens sont responsables de l’allongement des plis vocaux et donc d’une majoration de leur tension.
Muscle crico-aryténoïdiens postérieurs :
Ces muscles créent une abduction des ligaments vocaux.
Muscle crico-aryténoïdiens latéraux :
Ces muscles créent une adduction des ligaments vocaux.
Muscle aryténoïdien transverse et oblique :
Ces muscles créent une adduction des ligaments vocaux.
Muscle vocaux et thyro-aryténoïdiens :
Ces muscles entraînent un relâchement des ligaments vocaux.
Ces muscles conditionnant la position des ligaments vocaux, ils entraînent un changement de conformation de la fente glottique et par là même une modification de la phonation. [2]
Il est à noter que les muscles crico-thyroïdien et thyro-aryténoïdien sont les deux muscles antagonistes de la tension des ligaments vocaux. Le premier (crico-thyroïdien) est innervé par la branche externe du nerf laryngé supérieur tandis que le second (thyro-aryténoïdien) est innervé par le nerf laryngé récurrent.
Une voix donc le ton est abaissé pourrait donc être la conséquence d’une hypertonie du muscle crico-thyroïdien causée par une malposition de l’os hyoïde.
À l’inverse, une voix au ton augmenté pourrait être en lien à un hypofonctionnement du muscle thyro-aryténoïdien causée par le nerf laryngé récurrent. Celui-ci pourrait être en lien avec une fermeture de l’angle oeso-trachéal ou bien, à des restrictions des zones de passages du nerf vague.
Il s’agira d’une altération des différents mécanismes Laryngés.
Il existe 4 mécanismes laryngés [3][4][5]
Le mécanisme M0 :
Les cordes vocales sont courtes, épaisses et peu tendues. La vibration est caractérisée par une durée d’ouverture glottique très courte. Ce mécanisme est à l’origine des fréquences les plus basses. La voix de fry en est synonyme.
Le mécanisme M1 :
Appelé voix modale (ou registre lourd), correspond à une contraction du muscle thyro-aryténoïdien qui raccourcit les plis vocaux et les épaissis tout en maintenant une phase de fermeture plus longue. Ce mécanisme produit une vibration de l’ensemble de la corde vocale, il intervient principalement dans l’émission des fréquences graves.
Le mécanisme M2 :
Appelé registre léger, correspond inversement à des plis vocaux longs et fins avec une phase de fermeture plus courte. Contrairement au mécanisme M1 seule la partie superficielle du bord libre du pli vocal vibre. Le muscle principal est le crico-thyroïdien qui intervient principalement dans l’émission des fréquences aiguës.
Le mécanisme M3 :
Les cordes vocales sont fines, très tendues et l’amplitude de vibration est particulièrement réduite. Il n’y a quasiment pas de fermeture. Ce mécanisme permet de réaliser les fréquences les plus aiguës. La voix de sifflet en est synonyme.
Ligament de la phonation
Le ligament jugal
Il s’étend des cartilages corniculés au bord supérieur du chaton cricoïdien.
Ce ligament pourrait être un argument anatomique en faveur des récentes découvertes impliquant un mouvement du cartilage cricoïde parfois suivi des cartilages aryténoïdes dans la phonation plutôt qu’un mouvement du cartilage thyroïde.
Les cordes vocales
Il s’agit de deux cordons fibro-élastiques symétriques formant les plis vocaux.
Ils s’insèrent en avant sur l’angle rentrant du cartilage thyroïde au-dessous du ligament vestibulaire et en arrière sur le processus vocal du cartilage aryténoïde. Leurs extrémités peuvent contenir des cartilages sésamoïdes appelés nodules glottiques.
Il s’agit du composant principal des plis vocaux. Ils délimitent entre eux un espace appelé fente glottique dont l’ouverture conditionne la résultante phonique.
La phonation dépend donc de sa mobilité et de sa position.
Innervation du larynx
Point ANATOMIE
L’innervation du larynx dépend du Nerf vague ou 10ème nerf crânien. Le ganglion inférieur de celui-ci donne naissance, à son pôle inférieur, au nerf laryngé supérieur.
Ce nerf se divise en deux parties, la supérieure appelée “Branche interne” traverse la membrane thyro-hyoïdienne, que celui-ci perfore. Il est responsable de l’innervation de la muqueuse de l’épiglotte et de la portion sus-glottique du larynx.
Il est intéressant de noter qu’une portion des fibres nerveuses de la branche interne s’anastomose au nerf laryngé récurrent (aussi appelé nerf laryngé inférieur) par le biais de l’Anse de Galien, innervant au passage la portion pharyngienne du larynx. [6]
La partie inférieure appelée “Branche externe” parcourt l’insertion du muscle constricteur inférieur du pharynx le long du cartilage thyroïdien. Elle y atteint le muscle crico-thyroïdien dont l’innervation lui est assujettie. Elle pénètre ensuite la membrane crico-thyroïdienne et innerve les muqueuses du ventricule et la portion sous-glottique du larynx.
Dans la névralgie du nerf laryngé supérieur, il y a altération des transmissions sensitives du nerf. Le patient souffre d’une douleur très intense dans la zone du cartilage thyroïde, du gonion, pouvant même irradier vers le thorax. La douleur est provoquée par les stimulations mécaniques de la zone comme la déglutition ou la toux.
Le nerf laryngé inférieur ou nerf laryngé récurrent né lui aussi du nerf vague. Cependant son origine est légèrement différente à gauche et à droite du fait des spécificités anatomiques des deux zones. [7]
À gauche, il né dans le thorax, crochète la portion inférieure de l’aorte et à droite, il trouve son origine à la base du cou et crochète la portion inférieure de l’artère subclavière.
Au niveau du récessus piriforme les deux nerfs laryngés récurrents vont parcourir la face interne du muscle constricteur inférieur du pharynx, où ils se divisent en deux branches une antérieure et l’autre postérieure, pour innerver tous les muscles du larynx à l’exception du muscle crico-thyroïdien (innervé par la branche externe du nerf laryngé supérieur). La branche externe du nerf laryngé supérieur et le nerf laryngé récurrent sont recouverts par la glande thyroïde, expliquant l’impact des pathologies thyroïdiennes sur la motricité du larynx et sur la phonation. [8]
Cas clinique
Madame P, 49 ans, consulte pour une douleur au gonion avec sensation de blocage dans la gorge pouvant soit remonter au pharynx soit descendre à la clavicule.
Elle a du mal à initier le mouvement de déglutition et a l’impression de ne plus avoir de force dans la voix.
L’anamnèse révèle une grande anxiété et des difficultés à communiquer sur les raisons de ce mal être.
Les différents examens médicaux (thyroïde, dentaire, etc) sont négatifs.
Une libération du médiastin et du pharynx et de l’os hyoïde auront pour conséquence une diminution des symptômes côté à 70%.
Une libération de l’estomac en technique somato-émotionnel aura raison des 30% restants.
Action musculaires
Muscles supra hyoïdien | Innervation | Action |
---|---|---|
Stylo–hyoïdien | Nerf facial | Unilatéral : Latéroflexion rotation Bilatéral : Traction Post Supérieur [9] |
Hyo-glosse | Nerf Hypoglosse | Adaptation linguale [10] |
Génio-hyoïdien | Nerf Hypoglosse | Traction antérieur [11] |
Mylo-hyoïdien | Nerf Trijumeau | Stabilisation |
Muscle Digastrique | Nerf Glossopharyngien Nerf Facial Nerf Trijumeau | Élévation [12] |
Muscles infra hyoïdien | Innervation | Action |
---|---|---|
Constricteur du pharynx | Nerf Vague | Constriction |
Thyro-hyoïdien | Plexus cervical | Abaissement |
Sterno-hyoïdien | Anse cervicale | Abaissement |
Omo-hyoïdien | Anse cervicale | Abaissement Traction post |
Les différentes positions sont donc imputables à des muscles ou groupes musculaires et à leur innervation.
Ces tableaux ne sont qu’une aide au traitement, le diagnostic de traction tissulaire étant le plus à même de réaliser l’écoute positionnelle.
Prise et techniques
Il est préférable d’utiliser la prise bilatérale pour les tests en attraction tissulaire.
Prise bilatérale
Cette prise permet au praticien de tester ou d’équilibrer les tensions de l’os hyoïde sur tous les plans y compris l’antériorité et la postériorité sans donner de priorité à un côté (chose plus compliqué en prise unilatérale).
Le travail de l’os hyoïde peut se cumuler avec des exercices de phonation et de déglutition du patient pour affiner les corrections des mécanismes hyoïdiens du patient.
Ce travail est particulièrement éducatif chez les chanteurs professionnels.
Une prise unilatérale inférieur
Son avantage est de laisser la seconde main libre pour un travail d’harmonisation sur une seconde structure ayant une localisation céphalique.
L’éminence hypothénar se servira d’un fulcrum sur le manubrium sternal du patient.
Limite et biais
Cette prise a tendance à majorer la traction sur un côté et si le fulcrum sur le manubrium est mal contrôler cela jouera sur la mobilité de l’orifice supérieur du thorax
Une prise unilatérale supérieur
Son avantage est de laisser la seconde main libre pour un travail d’harmonisation sur une seconde structure plus caudale.
Le médius est le fulcrum entre le pouce et l’index. Le coude prend un fulcrum sur la table. Cette prise a tendance à majorer la traction sur un côté.
Cas Clinique
Monsieur D, 55 ans, consulte pour des tensions dorsales hautes par suite d’une angine accompagnée de quintes de toux.
Depuis 2 semaines la toux a disparu mais les tensions demeurent et la gorge reste désagréable.
Lors de l’anamnèse, nous identifions que l’angine a démarré à la suite d’une grosse dispute au travail.
Les émotions non digérées du patient stagnent dans l’estomac (réchauffeur moyen). Une dysfonction antérieure bilatérale de l’occiput génère les tensions dorsales.
Une écoute de traction tissulaire de l’os Hyoïde en prise bilatérale révèle un traction inférieur majoritaire.
Une prise supérieure unilatérale de l’os hyoïde combinée à une équilibration de l’estomac aura pour effet la libération des émotions du patient et l’expression de son ressenti jusqu’alors impossible.
Une seconde écoute tissulaire de l’os Hyoïde en prise bilatérale révèle ensuite une traction supéro-postérieur (stylo-hyoïdiens bilatéraux par rotation externe bilatérale des temporaux en adaptation à une dysfonction de flexion de l’occiput). Une prise inférieure unilatérale de l’os hyoïde combiné à une équilibration de l’occiput achève de libérer les dorsales.
Point émotionnel
L’émotion forte comme la colère dirige l’énergie vers le haut. Celle-ci doit se dépenser en s’exprimant par le cri et les pleurs. Si cette énergie est retenue ou non exprimée, elle se bloque au niveau de l’os hyoïde.
Le point 23 Vaisseau Conception appelé Fontaine limpide permet la régulation de la circulation de l’énergie dans cette zone.
Le Huang Di Nei Jing Ling Shu [13] dit : “Si l’énergie remonte avec une intensité telle que l’on ne puisse plus parler, et que l’on ait des douleurs à la poitrine, il faut puncturer le Lienn Tsivann (23 VC) pour disperser l’énergie méridien Tsou Chao Inn (reins).”
Les fonctions associées à ce point sont : enflure à la base de la langue, difficulté d’élocution, aphonie, sensation de remontée de l’énergie, toux, ptyalisme, mutité. [14]
Antoine CARRON
Ostéopathe D.O.
Diplômé de l’Institut de Médecine Traditionnelle Chinoise de France
Bibliographie
[1] – Lacau St Guily J., Roubeau B. (1994) Voies nerveuses et physiologie de la phonation, Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Oto-rhino-laryngologie ↩︎
[2] – Roubeau B. (1993) Mécanismes vibratoires laryngés et contrôle neuro-musculaire de la fréquence fondamentale, Thèse de doctorat de l’Université Paris-Orsay. ↩︎
[3] – Nathalie Henrich Bernardoni. Physiologie de la voix chantée: vibrations laryngées et adaptations phono-résonantielles. 40èmes Entretiens de Médecine physique et de réadaptation, (2012), Montpellier, France. pp.17-32. hal-00680692 ↩︎
[4] – Henrich N. (2006). Mirroring the voice from Garcia to the present day: Some insights into singing voice registers, Logopedics Phoniatrics Vocology, 31, 3-14. ↩︎
[5] – Roubeau B., Henrich N., Castellengo M. (2009). Laryngeal vibratory mechanisms: the notion of vocal register revisited. Journal of Voice, 23(4), 425−438. ↩︎
[6] – Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=rameau+communicant+avec+le+nerf+laryng%C3%A9+r%C3%A9current ↩︎
[7] – Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=nerf%20laryng%C3%A9%20r%C3%A9current. ↩︎
[8] – https://www.thyroidsymptoms.ca/fr-ca/hypothyroidism-symptoms/voix-rauque ↩︎
[9] – Magoun, H. Ostéopathie dans le champ crânien : édition originale 1951. (2011). ↩︎
[10] – Kendall, F. P., McCreary, E. K., & Provance, P. G. (1993). Muscles, Testing and Function : With Posture and Pain. http://ci.nii.ac.jp/ncid/BA51410885 ↩︎
[11] – Gehin, A. (2005). Atlas of Manipulative Techniques for the Cranium & Face (1st Edition). Churchill Livingstone. ↩︎
[12] – https://www.academiemedecine.fr/ledictionnaire/index.php?q=muscle+digastrique ↩︎
[13] – Le Huang Di Nei Jing se traduit par Classique interne de l’empereur Jaune, Il est le plus ancien ouvrage de médecine chinoise traditionnelle. Il est divisé en deux parties : le Su Wen et le Ling Shu. ↩︎
[14] – Nguyen Van Nghi. Huangdi Neijing Lingshu Volume 1: Books 1-3 with Commentary (2005), Jung Tao Productions. ISBN : 0980041708 ↩︎
- L’ostéo4pattes-site de l’ostéopathie remercie Antoine Carron pour nous avoir autoriser la publication de ses travaux. ↩︎