Comment examiner une fesse douloureuse ?

Comment examiner une fesse douloureuse ?

J.-M. BERTHELOT,Service de rhumatologie, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes – Publié le 03/07/2012

Journal International de «Médecine (JIM )


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Résumé

Les douleurs fessières sont bien moins fréquentes que les lombalgies, mais souvent aussi difficiles à traiter. Heureusement, et contrairement à la plupart des lombalgies, une origine anatomique assez précise peut habituellement être objectivée comme explication à ces douleurs de fesse. Ceci peut laisser espérer des solutions thérapeutiques plus efficientes pour les étiologies que le rhumatologue ne peut encore traiter seul. On peut par exemple espérer que le développement de chirurgies mini-invasives (dont endoscopiques) pourra à l’avenir permettre, d’une part, de confirmer l’existence et, d’autre part, d’assurer le traitement de nombreux syndromes canalaires non visualisables par l’imagerie.


Nous remercions le Journal International de Médecine (JIM) de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le Site de l’Ostéopathie.


La démarche diagnostique face à une douleur fessière doit débuter par un interrogatoire tatillon. Un acrostiche est proposé à cet effet, qui peut être utilisé pour n’importe quelle douleur : TISICISDRA, où T est le Type de la douleur (brûlure, tiraillement, coup de poignard, etc.), I l’Intensité (au pire, au mieux, en moyenne), S le Siège maximal de la douleur (à désigner avec un doigt seulement : ce point est capital pour les douleurs de fesses), I les Irradiations, C les Circonstances de survenue (nuit, matin, midi, soir, mais aussi positions allongée, assise, debout, etc.), I les Incidences immédiates (que faites-vous quand vous avez mal ?), S les Signes d’accompagnement (pares- thésies ou autre), D la Durée des épisodes douloureux et leur mode de terminaison, R le Rythme des récidives et A l’Action des traitements. Au terme de cette enquête, deux à trois étiologies seulement sur la trentaine de causes habituelles restent le plus souvent en lice. Il est toutefois prudent de faire un examen systématique de toutes les structures pouvant induire des douleurs fessières, en commençant par le rachis lombaire bas.


Étiologies les plus fréquentes


La plupart des douleurs fessières sont des sciatiques tronquées, des souffrances des branches postérieures des dernières racines lombaires ou des douleurs projetées d’origine articulaire postérieure.

L’examen clinique doit donc débuter par le rachis, sans oublier l’inspection de celui-ci, en particulier l’équilibre du bassin et de la colonne vertébrale (statique/ dynamique, frontal/sagittal). Si on en a le temps, et qu’on en maîtrise la technique d’examen, la recherche d’un phénomène de centralisation peut aider à rattacher une douleur fessière à une origine rachidienne. En effet, quand il s’agit d’une douleur projetée à point de départ discal ou articulaire, et non d’une sciatique tronquée, la mobilisation répétée du rachis (environ 10 fois dans chaque direction) en flexion, extension, latéroflexions, et rotations, peut induire une « centralisation » de la douleur, c’est-àdire une régression de la douleur d’une zone distale (comme la fesse) vers la ligne médiane du rachis. Un autre argument pour une origine rachidienne peut être le soulagement de la douleur par l’infiltration d’une articulaire ou la pratique d’une péridurale. L’argument n’est toutefois pas absolu, compte tenu des forts effets aspécifiques possibles de ces gestes (effet placebo ou Hawthorne). De ce fait, une amélioration durable est requise avant de conclure à l’origine purement rachidienne de la douleur fessière. Inversement, un examen clinique normal et des infiltrations tout à fait inefficaces n’éliminent pas certaines étiologies rachidiennes rares de douleurs fessières comme certains neurinomes, ostéomes ostéoïdes ou kystes de Tarlov. S’il est bienvenu de rappeler en préambule que les douleurs rachidiennes restent les étiologies de douleurs fessières les plus fréquentes (même si ceci est moins certain si l’on exige que la douleur soit restreinte à la fesse, c’est-à-dire ne soit pas qu’une sciatique tronquée [point de Valleix]), d’autres étiologies sont à rechercher.


Douleurs de la région sacrée


Quand le rachis ne paraît pas en cause, on peut ensuite inspecter la région sacrée, tant cliniquement que sur l’imagerie. Les fissures du sacrum, ainsi que les tumeurs (Ewing, chordomes, tumeurs à cellules géantes, dysplasies fibreuses, voire métastases), et maladies de Paget sont des classiques, mais aussi peu souvent rencontrées que les auteurs classiques ne sont lus. Deux autres étiologies sont sans doute aussi rares, mais moins connues des rhumatologues : les douleurs projetées (syndromes myo-fasciaux) d’origine pelvienne, en particulier de la loge prostatique, et les souffrances du nerf de Trolard. Ce nerf est un peu le pendant au sacrum des nerfs dit d’Arnold à l’occiput, puisqu’il s’agit d’un nerf formé par la réunion de branches postérieures des racines S2 à S4. De chaque côté du sacrum, un nerf de Trolard descend, dans une rigole sur le bord le plus latéral de l’os, jusqu’à la jonction entre le sacrum et le coccyx. À ce niveau, il se divise en une branche descendante et une branche ascendante, plus longue, qui remonte sur le bord latéral des épineuses miniatures des dernières pièces sacrées. Des irritations chroniques de ce nerf pourraient suffire à induire des souffrances « neuropathiques » de ses branches, à l’origine de douleurs permanentes à la jonction entre le sacrum et l’os iliaque, débordant sur le sacrum, à distinguer de rares cas de bursites interépineuses sacrées.


Douleurs de la région de la crête iliaque


Les douleurs juste en dedans de l’épine iliaque postéro-supérieure peuvent faire évoquer un syndrome de Bertolotti, c’est-àdire une douleur en rapport avec la présence d’une néo-articulation transverso-sacrée. Un test thérapeutique (infiltration au contact du pseudo-interligne entre la méga-transverse et le bassin) mérite d’être tenté dans presque tous les cas si une telle anomalie est repérée sur les clichés standards. La pathogénie des douleurs émanant de ces néo-articulations reste toutefois assez obscure, et il faut savoir rechercher une autre explication si la douleur n’est pas électivement reproduite à la pression de la zone en regard de la néoarticulation et/ou soulagée par l’infiltration, en particulier une pathologie discale ou articulaire sus-jacente favorisée par l’asymétrie du bassin. Plus en dehors en longeant la crête iliaque, un point douloureux en regard de l’insertion iliaque du ligament ilio-lombaire peut faire évoquer la possibilité d’un rare syndrome ilio-lombaire, surtout si la douleur est reproduite par l’inflexion latérale du côté controlatéral et/ou si elle s’accompagne d’une boiterie d’esquive ou d’une projection douloureuse dans la région inguinale homolatérale. Une infiltration test, voire une « rhizolyse » peut être tentée à l’insertion iliaque du (ou plutôt des, car ce ligament a plusieurs faisceaux) ligaments ilio-lombaires ; ceci requiert un bon positionnement, en particulier d’aller presque au contact de l’aile iliaque qui à ce niveau est séparée de la peau de plusieurs centimètres. Plus latéralement encore, entre 8 et 11 cm par rapport à la ligne médiane, un rare syndrome canalaire des nerfs cluniaux supérieurs doit être évoqué.

La plupart des « points de crêtes » retrouvés à l’examen clinique s’intègrent dans le contexte d’un banal syndrome cellulo-tendino-myalgique (syndrome de Maigne), traduisant l’irritation chronique d’une ou plusieurs branches postérieures des étages lombaires hauts (de T12 à L3), ces « points de crêtes » étant l’équivalent, pour les branches postérieures, des points de Valleix pour les sciatiques. Toutefois, il peut arriver que l’irritation des branches postérieures (dénommées nerfs cluniaux supérieurs quand elles passent au-dessus de la crête iliaque pour se distribuer aux téguments de la fesse) se fasse exclusivement dans le défilé qu’elles traversent, entre la crête iliaque (en dessous) et le fascia thoraco-lombaire (au-dessus). Le plus souvent, une petite « rigole » sur la crête iliaque les protège d’un excès de traction ou d’adhérence, mais il peut arriver, notamment après épisodes passés de traumatisme (chutes de cheval par exemple) qu’une fibrose séquellaire du fascia thoraco-lombaire (insertion du grand dorsal) induise peu à peu dans cette zone un véritable syndrome canalaire, qui peut être guéri par la chirurgie. Encore plus à distance, et le plus souvent en dehors de la « fesse », mais pouvant parfois être exprimée par les patients comme une douleur « fessière », la striction d’une des branches perforantes, soit du nerf sous-costal, soit du nerf ilio-hypogastrique, peut induire une douleur très désagréable de tonalité « neuropathique » au-dessus du grand trochanter (et plus souvent en avant de celui-ci qu’en arrière). L’hyperpathie induite peut être telle que les patient(e)s supportent à peine le contact de vêtements serrés.

Bien qu’il soit facile à évoquer, le diagnostic de certitude de ces syndromes canalaires reste souvent difficile. En effet, le site de striction de ces nerfs est situé au-dessus de la crête iliaque, et non au contact de celle-ci, à des sites variables selon les patients, entre les muscles transverses et obliques, sans point « gâchette » précis en général. Cela freine d’autant la pratique d’une chirurgie de libération : l’efficacité de tests anesthésiques réalisés sous contrôle échographique entre les plans des muscles abdominaux pourrait aider à convaincre les chirurgiens d’aller explorer les zones d’émergences présumées de ces rameaux de petite taille. Ce syndrome est un peu le pendant sur la face latérale du bassin, du syndrome du nerf fémoro-cutané à la face antérieure de la cuisse. Dans le même territoire très latéral, un peu au-dessous et en arrière de l’épine iliaque antéro-supérieure, des douleurs chroniques, et parfois très invalidantes, peuvent être la conséquence d’enthésopathies du tractus ilio-tibial.


Douleurs de la sacro-iliaque


La sacro-iliaque ne se résume pas fonctionnellement à sa seule partie articulaire (située au pied de la sacro-iliaque radiologique) : les ligaments sacro-iliaques, tant antérieurs que surtout postérieurs (ligaments interosseux, ligaments sacro-iliaques postérieurs courts, ligament sacro-iliaque postérieur long, plus les ligaments sacrotubéraux et sacro-épineux) sont, tant en ce qui concerne la surface occupée que la fonction, aussi importants. Il est probable que ces ligaments induisent aussi autant, voire plus de douleurs que l’articulation stricto sensu. De ce fait, les travaux ayant pris comme gold standard de l’efficacité du traitement d’une souffrance sacro-iliaque le soulagement marqué des douleurs induit par une infiltration faite en intraarticulaire, doivent être considérés de manière critique.

Autrement dit, certaines douleurs fessières peuvent provenir des ligaments sacro-iliaques sans que l’imagerie soit pathologique, et sans que l’infiltration faite au sein de la sacro-iliaque ne soit positive. Pour évoquer ces souffrances ligamentaires, il faut toutefois qu’une ou plusieurs infiltrations au sein de ces ligaments aient eu un effet très franc et que plusieurs des cinq manœuvres les moins aspécifiques de la sacroiliaque (lato sensu) soient positives.

Ces manœuvres sont :

  • le cisaillement de la sacroiliaque (avec mise en tension des ligaments postérieurs) de haut en bas, en se servant du fémur, placé à la verticale, comme d’un piston (sacral thrust test) ;
  • l’écartement des ailes iliaques (en décubitus dorsal) ;
  • à l’inverse, le rapprochement des ailes iliaques (en décubitus latéral) ;
  • la mise en tension des ligaments sacro-tubéraux et sacro-iliaques postérieurs longs par la flexion forcée de la hanche d’un côté, combinée à l’extension de la hanche controlatérale (en décubitus dorsal ou latéral) ;
  • l’enfoncement du « coin » sacré entre les deux ailes iliaques par une pression verticale forte et soutenue, en procubitus, sans appuyer sur le dernier disque mobile.

Ces cinq manoeuvres doivent être réalisées avec une force suffisante, et en maintenant l’appui ou la position pendant au moins une vingtaine de secondes, en demandant au patient si c’est bien sa douleur (fessière) que l’on reproduit. Quand trois de ces manoeuvres sont positives (sensibilité de l’ordre de 90 %), la probabilité d’une origine sacroiliaque lato sensu à la douleur devient assez forte, avec une spécificité de l’ordre de 80 %. Il reste toutefois souvent difficile d’affirmer ce diagnostic sur la seule clinique quand une solution chirurgicale (comme une arthrodèse) est envisagée. Des anomalies en imagerie doivent alors être présentes, en se rappelant que les souffrances « mécaniques » des sacro-iliaques sont très fréquentes, et induisent souvent des diagnostics erronés de sacro-iliite quand seule une IRM est pratiquée. Un oedème osseux minime est également très fréquent en cas de pathologies dégénératives des sacro-iliaques.


Douleurs des nerfs cluniaux moyens


Les branches postérieures des racines S2 à S4 ne forment pas que le nerf de Trolard, mais donnent aussi des branches plus superficielles à destination des téguments de la face inféromédiale de la fesse, appelés nerfs cluniaux moyens. Ces petites racines nerveuses doivent traverser, et/ou passer juste sous le ligament sacro-iliaque postérieur long, tendu entre l’épine iliaque postéro-supérieure au-dessus et le tubercule sacré au-dessous. Ce ligament délimite par ailleurs un espace « clos », cellulo-graisseux entre lui-même et le sacrum sousjacent, dont la mise en compression excessive pourrait faciliter la survenue d’une souffrance chronique des nerfs cluniaux (par analogie avec d’autres syndromes canalaires, comme celui du canal carpien). La section du ligament sacro-iliaque postérieur long n’a pas été encore tentée pour soulager des douleurs dans cette zone. Elle devrait être d’autant plus prudente que certains nerfs cluniaux moyens traversent le ligament sacro-iliaque postérieur long et/ou adhèrent à la face profonde de celui-ci. Il n’a pas encore été prouvé non plus qu’une souffrance des racines S2 à S4 dans le canal sacré et/ou dans la traversée des trous sacrés de S2 à S4 puisse donner aussi des douleurs, tant selon le trajet du nerf de Trolard, que celui des nerfs cluniaux. Il est bienvenu de palper aussi ces trous sacrés devant toute douleur de fesse inexpliquée, afin de discuter, au moins dans les cas insolubles, un test thérapeutique à ce niveau (infiltration du 2e à 4e trou sacré sous contrôle TDM).


Douleurs des tendons et muscles
s’insérant sur le bassin ou le trochanter


Les lésions des muscles s’insérant sur le bassin ou le trochanter s’expriment le plus souvent par des douleurs jouxtant le territoire fessier, plus que des douleurs fessières à proprement parler. Toutefois, de même que les déchirures des tendons supra-spinatus peuvent aussi donner à l’épaule des douleurs se prolongeant dans la fosse sus-épineuse, certaines lésions des tendons pelvi-trochantériens (gluteus medius, piriforme, muscles jumeaux) et plus rarement de l’obturateur interne, peuvent induire aussi des douleurs fessières, parfois au premier plan, à distinguer des douleurs des syndromes de la traversée fessière qui sont, elles, la conséquence d’une souffrance nerveuse (adhérences anormales du tronc du nerf sciatique ou du nerf cutané postérieur de la cuisse, et de leurs vaisseaux, aux muscles pelvi-trochantériens ou à l’obturateur interne). Ces douleurs des muscles pelvi-trochantériens sont en principe électivement reproduites par la mise en tension de ces tendons en contraction résistée, mais aussi par leur étirement passif, en particulier lors des manoeuvres de rotation interne à l’examen de la coxo-fémorale. Des lésions de la coxo-fémorale ne s’expriment que rarement par des douleurs fessières isolées, même si cette possibilité doit être gardée à l’esprit et faire pratiquer une incidence en faux profil à la recherche d’une coxarthrose postérieure. La palpation de la fesse peut réveiller les douleurs liées à des tendinopathies des muscles pelvi-trochantériens, et évoquer à elle seule ce diagnostic quand la zone douloureuse majorée épouse de manière oblique le trajet du tendon ou muscle suspect. Lorsque la palpation (avec un seul doigt) cadran par cadran, dessine plutôt une zone verticale, une origine sacro-iliaque à la douleur (et/ou ligament sacroiliaque postérieur long) est plus vraisemblable. Pour sensibiliser cette palpation et/ou la rendre plus spécifique de la recherche d’une étiologie musculo-tendineuse, les tendons des pelvi-trochantériens peuvent être mis en tension conjointement à la palpation : par exemple, en procubitus, palpation du tendon de l’obturateur interne après avoir placé la jambe en rotation interne maximale. Dans de rares cas, la douleur fessière peut être la conséquence d’une souffrance du muscle grand fessier, en particulier en cas de déchirures survenues au sein de celui-ci. Un des avantages de la palpation systématique du « paquet » musculaire fessier, est d’aider parfois à dépister une rare tumeur de la région (myxomes, rhabdomycosarcomes) quand les patients n’arrivent pas déjà à la consultation avec une débauche d’examens d’imagerie. Cette palpation peut parfois réveiller des douleurs à distance quand coexiste un syndrome myo-fascial, c’est-à-dire une sensibilisation de certains fuseaux neuromusculaires au sein des masses musculaires, provoquant à l’appui de ceux-ci des douleurs référées parfois bien à distance. Réciproquement, certaines douleurs fessières peuvent être des projections douloureuses de douleurs myo-fasciales ayant pour origine d’autres masses musculaires, en particulier le carré des lombes. Il est donc bienvenu, en présence d’une douleur de fesse, non seulement de rechercher par la manoeuvre du pincer-rouler une cellulalgie dans le territoire des branches postérieures des nerfs L1 à L4, mais aussi de palper la zone sus-jacente aux crêtes iliaques pour ne pas méconnaître la présence à ce niveau de points gâchettes dont la pression suffirait à réveiller des douleurs dans la fesse.

Certaines lésions des tendons pelvi-trochantériens et de l’obturateur interne peuvent induire des douleurs fessières.


Douleurs en rapport avec un syndrome de la traversée fessière


Pour plusieurs raisons, le syndrome dit du piriforme (pyramidal) était mal nommé. Son appellation est désormais celui de syndrome de la traversée fessière. En effet, la dénomination de syndrome du piriforme pouvait laisser penser que les douleurs étaient d’origine musculaire et ne prenaient leur origine que dans le muscle piriforme. En fait, et même si parfois des lésions au sein de ce muscle peuvent aussi induire des douleurs de fesse, les douleurs en rapport avec un syndrome de la traversée fessière sont la conséquence d’une souffrance nerveuse du tronc du sciatique lui-même (avec alors des douleurs descendant parfois jusqu’à la cheville, voire le pied) et/ou du nerf cutané postérieur de la cuisse, lequel est une volumineuse branche sensitive sortant du tronc du sciatique, en général à hauteur du canal sous-pyramidal (avec alors des douleurs fessières ne descendant au plus que jusqu’au genou). Comme il existe des variantes anatomiques du muscle piriforme et du nerf sciatique faisant que ce dernier doit parfois se faufiler entre certains chefs du muscle piriforme, voire passer au-dessus de celui-ci, il avait été supposé que la plupart des irritations du tronc du sciatique à la fesse était la conséquence de ces malformations. En fait, la plupart des personnes avec une telle variante anatomique n’ont pas de syndrome de la traversée fessière et il n’est que rarement constaté chez les patients présentant un tableau clinique typique : autrement dit, il ne faut pas compter sur l’imagerie pour faire le diagnostic. Il s’agit d’une douleur évocatrice de sciatique tronquée, mais sans lombalgie ni reproduction de la douleur par la mobilisation même répétée du rachis. Un deuxième indice est, à l’interrogatoire, le réveil habituel de la douleur en position assise, pouvant parfois imposer aux conducteurs de véhicule de se garer et de sortir de leur voiture pendant quelques minutes au bout d’une certaine durée de conduite. Un tel phénomène survenant après 15 à 30 minutes de conduite seulement est très évocateur d’un syndrome de la traversée fessière au niveau du muscle obturateur interne, une durée de 30 à 60 minutes étant plus évocatrice d’adhérences/ striction à des muscles ou tendons sus-jacents (jumeaux ou piriforme). Le troisième indice est relevé à l’examen clinique : la douleur est électivement réveillée lorsque l’on place le membre inférieur en position dite FAIR (Flexion, Adduction, Internal Rotation), c’est-à-dire en positionnant le genou vers le mamelon controlatéral, et en maintenant la position pendant une trentaine de secondes. Il faut en effet un certain temps souvent pour que la traction sur le nerf et/ou la congestion veineuse induite dans les veines du tronc radiculaire réveillent les douleurs. Inversement, la douleur cesse ou baisse en principe rapidement lorsque, tout en maintenant la cuisse en flexion forcée, on passe de rotation interne forcée en rotation externe (position apaisante du lotus).

Les douleurs en rapport avec un syndrome de la traversée fessière sont la conséquence
d’une souffrance nerveuse du tronc du sciatique lui-même et/ou du nerf cutané postérieur de la cuisse.

Le diagnostic de syndrome de la traversée fessière reste souvent un diagnostic d’élimination, car ni l’électrophysiologie, ni l’imagerie, ne sont en général contributives, l’IRM (réalisée en position allongée) ne montrant souvent qu’un aspect de stase modérée des veines dans le canal sous-pyramidal.


Pathologies de la région ischiatique


Certaines douleurs de rythme inflammatoire, d’origine sacroiliaque présumée car « fessières basses », sont en fait la conséquence d’enthésites des ischiojambiers, qui peuvent parfois révéler des spondylarthrites, et se traduire après de nombreuses années d’évolution par des ossifications ischiatiques sur le trajet de ces tendons (semi-tendineux, semi-membraneux, biceps fémoral). Toutefois, la grande majorité des douleurs de la région ischiatiques ne sont pas inflammatoires mais mécaniques. Il peut s’agir d’abord de tendinopathies ou d’entésopathies mécaniques des ischio-jambiers, réveillées par la flexion contre résistance forte de la jambe en procubitus, parfois confirmées par des anomalies (fissurations, calcifications) en imagerie (IRM, échographie). Il s’agit très rarement de bursites obturatrices, cette bourse étant située entre l’ischion et l’obturateur interne, lequel, en provenance de la face endopelvienne du trou obturateur, fait le tour de l’ischion par-derrière pour aller finalement s’insérer à la partie basse du grand trochanter. Il s’agit surtout de douleurs de tonalité nerveuses, et même souvent névralgiques du fait de leur intensité et de la composante neuropathique associée (dysesthésie et hyperesthésie). Outre un rare syndrome de Puranen (adhésion soit du tronc du sciatique, soit du nerf cutané postérieur de la cuisse, à la corde des ischio-jambiers à distance d’une déchirure de celle-ci avec englobement des nerfs lors de la cicatrisation), il faut évoquer la possibilité de souffrance des nerfs cluniaux inférieurs, qui innervent les téguments de la partie inféro-interne de la fesse. On constate souvent à l’examen un point douloureux électif à la face interne de l’ischion, et les patients sont souvent tellement gênés, qu’ils ou elles préfèrent ne plus s’asseoir. Malheureusement, comme aucune imagerie ne peut confirmer le diagnostic du fait de la très petite taille des structures nerveuses lésées, les chirurgiens récusent encore presque toujours ces patients, que les infiltrations n’améliorent souvent peu ou pas durablement. Une des raisons de la prudence des chirurgiens, est que, outre le caractère souvent déjà « neuropathique » des douleurs au stade du diagnostic (pouvant laisser craindre que malgré la levée d’une striction les douleurs perdureront), ces nerfs sont de très petite taille et les sites de striction inducteurs très aléatoires. Il est enfin possible qu’une partie des douleurs de tonalité névralgique semblant naître de l’ischion soit parfois la conséquence d’une striction nerveuse plus profonde, c’est-à-dire non pas derrière l’ischion mais juste devant celui-ci dans la pince ligamentaire, entre le ligament sacrotubéral en arrière et le ligament sacro-épineux en avant. En effet, certaines fibres en provenance du nerf cutané postérieur de la cuisse et à destination de la peau de part et d’autre de la marge anale, semblent bien, au moins chez certains patients, accompagner dans cette pince le nerf pudendal, dont la souffrance donne un tableau différent (douleurs périnéales, de la région anale jusqu’au clitoris ou la verge). Si la douleur se poursuit vers le plancher pelvien, mais sans la topographie ni la tonalité d’une souffrance du nerf pudendal, il faut évoquer enfin la possibilité d’une lésion des muscles sacro-coccygiens, en particulier en cas d’antécédents de traumatismes.


Étiologies vasculaires

Plusieurs étiologies vasculaires originales peuvent se révéler par des douleurs fessières prédominantes ou exclusives. Il s’agit d’abord du syndrome du pédicule vasculo-nerveux glutéal supérieur : au-dessus du muscle piriforme (parfois renforcé à ce niveau par une arcade fibreuse pouvant induire une striction supplémentaire du pédicule vasculo-nerveux), l’artère glutéale doit se frayer un passage pour aller vasculariser les muscles pelvi-trochantériens et le quart postéro-externe de la fesse. Il peut arriver que chez des sujets âgés une athéromatose se développe électivement dans une zone de coudure de l’artère au-dessus du muscle piriforme. Le tableau clinique peut être trompeur. Les patients décrivent en effet une douleur d’effort dans la région fessière presque toujours attribuée alors à une souffrance à point de départ rachidien (douleur projetée d’origine facettaire, ou sciatique tronquée par sténose lombaire). Aller marcher avec les patients permet toutefois de remarquer que la claudication diffère un peu de celle des sténoses lombaires : la douleur apparaît en effet assez brutalement après une distance de 100 à 500 mètres, obligeant alors le patient à s’arrêter au bout de quelques mètres ou dizaines de mètres. Il peut ensuite repartir sans douleurs après quelques dizaines de seconde. Cette soudaineté d’apparition comme de régression des douleurs doit faire évoquer plus une sténose vasculaire artérielle qu’une congestion veineuse dans le canal rachidien. Peut s’y associer une boiterie passagère avec signe de Trendelenburg, mais qui cède également vite après un bref repos. Comme souvent à la fesse, le diagnostic de certitude est rendu difficile par l’insuffisance des examens complémentaires, puisque tant les examens Doppler que les angiographies IRM peuvent rester tout à fait normaux, ainsi même parfois que les angiographies non sélectives, en particulier les ARM (temps angiographiques en IRM). Il faut parfois aller jusqu’à solliciter une angiographie sélective (avec cathétérisation de l’artère iliaque primitive) et des incidences centrées sur le canal suspyramidal, pour permettre d’objectiver la sténose, souvent localisée à l’ostium de l’artère glutéale supérieure. L’avantage des examens suscités peut toutefois être d’éliminer d’autres étiologies plus graves de pathologies vasculaires pouvant se présenter initialement sous l’aspect d’une douleur fessière : athéromatose des artères iliaques, et surtout anévrysmes tant de l’aorte que des artères iliaques ou fessières, le pronostic de ces dernières étant souvent péjoratif en l’absence d’intervention (hémorragies souvent très graves). Bien plus souvent que les artères, les veines pourraient contribuer à certaines douleurs fessières, soit directement du fait de la survenue de rares phlébites fessières, soit indirectement, la congestion veineuse facilitant l’émergence d’un syndrome canalaire ou d’une souffrance neuropathique chronique (en cas de thomboses non reperméabilisées de telles veines). Des techniques d’examens complémentaires plus sensibles que l’IRM restent à inventer pour visualiser la stase veineuse dans certaines positions. Il est possible que beaucoup de douleurs chroniques de la fesse en position assise non comprises soient la conséquence de dilatations variqueuses focales.


Étiologies exceptionnelles


La liste ci-dessus est sans doute loin d’être exhaustive : outre les infections et tumeurs osseuses, ou musculaires de voisinage, n’ont pas été citées certaines raretés, telles des localisations inhabituelles de tumeurs glomiques, à évoquer si la douleur à un épicentre punctiforme à repérer par la pointe d’un trombone (signe de Love), ou si la douleur est électivement déclenchée par l’exposition au froid (test du glaçon). Il faut savoir parfois refaire des examens complémentaires pour rechercher d’autres « aiguilles dans la botte de foin », dont certains névromes fessiers pouvant échapper à des IRM trop panoramiques.

Comme déjà souligné, les douleurs fessières sont un bel exemple de l’insuffisance très fréquente des examens complémentaires : le diagnostic doit donc reposer surtout sur une clinique méthodique et patiente.

Le développement d’infiltration échoguidée pourrait permettre d’affiner la palette diagnostique et thérapeutique du rhumatologue. Certains chirurgiens novateurs pourraient aussi être tentés de développer dans un proche avenir des mini-endoscopies à visée diagnostique, puis thérapeutique. Il faut l’espérer car ces patients et patientes sont souvent, malgré la stérilité de l’imagerie, très douloureux et/ou handicapés.


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