Au delà de la tenségrité.

  En écrivant le premier livre, la vie tenségritive, j’ai tenté de m’expliquer en quoi les critiques que j’entendais sur l’ostéopathie étaient trop souvent empreintes de mauvaise foi. J’ai tenté de montrer qu’on pouvait partir sur d’autres paradigmes et qu’à mes yeux, c’était même salvateur pour la médecine, pour la société, pour notre avenir commun. Depuis l’édition de ce livre, j’ai l’impression que nous nous sommes enfoncés dans le pire de ce que je décriais, mais je n’y peux rien, rien d’autre que de continuer à soigner, rien d’autre que de fournir quelques arguments à ceux qui sont en quête d’une autre façon de conceptualiser le soin, la santé, la vie …

  En écrivant le deuxième livre, j’ai posé avec l’aide d’Amélie Gardelle, l’essentiel de mes savoirs ostéopathiques tels que je les ai testés, conçus et pratiqués. Avec des notions à mes yeux très importantes : tenségrité, mouvement respiratoire primaire harmonique, force de traction médullaire, hélices fasciales dont j’espère qu’elles se répandront dans le monde ostéopathique tant elles éclairent de simplicité beaucoup de cas cliniques. Mais, aussi gratifiants et efficaces qu’ils soient, c’est inévitable, on s’aperçoit que ces concepts ne permettent pas d’englober toute la réalité de ce qu’un corps peut vivre. Revenir alors aux autres techniques ostéopathiques apprises est salutaire ou bien à la médecine universitaire, mais … Cela ne suffit clairement pas à boucher tous les trous …! Tout simplement parce que la médecine d’une manière générale, et l’ostéopathie dans une version mécanique ne considèrent pas que répondre à la question.: « Qu’est ce que la vie ? » avant d’oser toucher à celle-ci soit quelque chose d’important.

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  Et pourtant, force est de constater qu’en occident, il fut un temps où s’affrontèrent deux idées apparemment contradictoires qui voulaient chacune porter la médecine : le mécanisme et le vitalisme. La première prétendait que le corps était un assemblage de pièces anatomiques et de molécules duquel la vie avait émergé puis la conscience, mais, sans matière : point de vie. La deuxième prétendait que la vie préexistait sous forme d’un germe qui agrégeait la matière sur lui-même. Cette matière n’était alors qu’une cristallisation révélant la vie, celle-ci devenant princeps et la matière ipso facto secondaire. Pasteur et Béchamp furent chacun les chantres d’une de ces deux idées et se bataillèrent de manière mémorable. Et même si chacun d’entre eux semble être revenu sur ces certitudes en fin de vie, il reste que ces deux idées sont là, ineffaçables, fondamentales, inextricables. Ce sont les deux faces d’une même pièce de monnaie et nous devrions les considérer l’une et l’autre afin de juger de la vie, de la santé et de la maladie. Ce qui nous amène à ce qui est appelé une médecine intégrative, c’est à dire qui tient compte de plusieurs façons de voir le corps et la vie qui l’habite en ne restant surtout pas sur le seul versant mécaniste. Cependant, ce n’est pas ce que nous constatons dans les écoles de médecine : le mécanisme est triomphant, les molécules sont l’alpha et l’oméga pour comprendre un corps et si nos molécules sont défaillantes, nous apportons d’autres molécules qui suppléeront aux défaillances. La médecine devient chimie pour le meilleur et … pour le pire. Plus navrant encore, récemment, quelqu’un m’expliquait que la physique et la médecine ne s’intéressaient qu’à la matière (sic), et que le reste n’avait rien à faire dans la santé… Évidemment, pas d’accord je suis … Un photon, de masse nulle, donc immatériel est bel et bien un objet d’étude physique. Mais, ce qui me semble aberrant et navrant, c’était le dénigrement et les accusations implicites dans ses propos … j’aurais pourtant aimé que les deux faces absolument inséparables de la pièce de monnaie mécano/vitaliste puissent être abordées sereinement. Cela n’est pas le cas actuellement. Et de plus, en ces temps covidiens, il semble inimaginable à certains que l’on puisse aider un patient en stimulant la vie dans un corps, en aidant un corps à se défendre. Au point que tombés malades, on a renvoyé chez eux des gens avec rien d’autre qu’un anti inflammatoire, assez toxique par ailleurs, … et rien d’autre, sans chercher à stimuler l’immunité naturelle, en attendant la guérison naturelle ou le pire. Les attaques même contre les gens qui promeuvent un soin par première intention avec des molécules simples ont été une honte, tout simplement. Et ceci me semble montrer que la médecine se fourvoie dans des chemins sombres. Pourtant l’efficacité aurait demandé que l’on pratique enfin cette médecine intégrative.

  Il se trouve que le deuxième livre, par son parti pris, était résolument mécaniste, même s’il faisait intervenir une mécanique inhabituelle. J’avais désiré, pour ce livre numéro deux, rester dans une explication mécanique pouvant se rattacher facilement aux concepts et idées véhiculées par la médecine et l’ostéopathie telle qu’elle est enseignée maintenant dans les écoles.

  Pourtant, personnellement, l’expérience clinique m’a bien fait comprendre que ne considérer qu’un seul côté de la pièce de monnaie mécano-vitaliste nous interdisait de comprendre beaucoup de choses des maladies et nous privait de beaux outils de soins. C’est ainsi que j’ai parcouru l’homéopathie, la médecine chinoise, lu et relu beaucoup de thérapeutes hors pairs et originaux et que je n’ai eu de cesse de tester ces “nouveautés” dès lors que la médecine académique ou une ostéopathie plutôt mécaniste ne me semblaient pas offrir de compréhension et de solution satisfaisante. Alors, il est devenu évident qu’au deuxième livre devait se greffer tout ce que j’avais glané et synthétisé dans les médecines dites vitalistes puisque sinon j’aurais été incomplet… et FAUX. Un soignant est un artiste qui utilise au mieux tous ses outils en gardant évidemment un œil sur les garde fous. Et cela, dans le seul but de soigner encore mieux.

  Aussi, ce troisième livre va aller au-delà de la tenségrité et donner la version vitaliste des soins tels que j’ai pu les concevoir et les intégrer dans ma pratique. Comprenez bien que je vous donnerai une synthèse de ce que j’ai compris de la vie et de son germe vital, que ce ne sera pas une vérité, ni de la science, mais un outil de compréhension et de réflexion qui vous parlera ou non, que vous serez libre d’intégrer dans vos soins, dans votre vie, sous une forme qui vous est propre et bien sûr, seulement si le cœur vous en dit. Et ce faisant j’espère qu’il aidera quelques ostéopathes à savoir où chercher les parties de l’écureuil ostéopathique qui nous font défaut. Rappelez-vous que le Dr Still disait en se référant à l’ostéopathie :

«Nous n’avons fait qu’agripper la queue de l’écureuil, dans le trou de l’arbre. La plus grande partie de l’écureuil ostéopathique est toujours à l’intérieur du trou. » (Sutherland, Contributions of Thought, p. 102.)

  Je vous souhaite une belle lecture. Une lecture, belle et …vivante.

Patrick Chêne (02/2023)
Paru en Nov 23, disponible des maintenant : https://www.helloasso.com/associations/wakama-nagi/evenements/au-dela-de-la-tensegrite Vous trouverez également un article reprenant toutes les notes de bas de page du livre : https://www.patrick-chene.eu/spip.php?article402

 

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