Déremboursement de l’ostéopathie : quels enjeux pour les patients, les mutuelles et la santé publique ?

En pleine réflexion sur l’avenir de la couverture santé, la question du remboursement des soins ostéopathiques refait surface. À l’enjeu politique s’ajoutent des effets économiques et sanitaires potentiels. Si les propositions de retrait de la prise en charge font débat, leurs répercussions pourraient être plus larges qu’il n’y paraît.

Dernière MAJ : 11/11/2025

L’état des lieux

Un attachement du public confirmé

Un sondage Odoxa réalisé en septembre 2025 pour le compte de l’Unité pour l’ostéopathie (UPO) montre que :

  • 82 % des Français sont favorables au maintien du remboursement des soins en ostéopathie (y compris chez ceux qui ne consultent pas régulièrement).
  • 33 % des patients renonceraient à consulter un ostéopathe en cas de déremboursement — en particulier les populations les plus fragiles (moins de 35 ans, catégories populaires).
  • le nombre de consultations moyennes par patient passerait de 1,45 à 1,05 par an, soit une chute d’environ 40 % du nombre de consultations.

Voir le sondage Odoxa de septembre 2025 : « Conséquences d’un éventuel déremboursement de l’ostéopathie »


Les recommandations des autorités

Le Sénat et le Haut conseil à l’avenir de l’assurance maladie1 recommandent d’exclure les soins ostéopathiques des contrats « responsables » qui représentent 96% des contrats2.

Les questions des députés

Le point de vue des Acteurs de l’ostéopathie

Impact théorique sur la sécurité sociale et les dépenses publiques

À première vue, retirer le remboursement de l’ostéopathie pourrait réduire les coûts pour les mutuelles. Mais l’analyse du sondage pointe un effet de transfert de dépenses vers l’assurance maladie obligatoire, autrement dit vers la Sécurité sociale. En effet 70% de ceux qui n’iraient plus voir un ostéopathe iraient voir un autre professionnel de santé à la place.

Image issus du sondage odaxa, page 13, alternative à l’ostéopathie

Selon l’UPO4, l’étude Odoxa montre que deux tiers des personnes qui renonceraient à l’ostéopathie se tourneraient vers des soins remboursés par le régime général (ex. médecins, examens, traitements).

Le tiers restant choisirait de ne consulter aucun professionnel, ce qui pourrait conduire à une aggravation progressive de leurs symptômes. Cette absence de suivi précoce risquerait de provoquer, à terme, un recours tardif à des soins plus lourds — voire à des passages aux urgences pour des douleurs qui auraient pu être prises en charge en amont, avec finalement des coûts pour la sécurité sociale beaucoup plus élevés.

Ce transfert vers des actes « classiques » (médecin, radiographie, ordonnances, arrêts de travail) pourrait engendrer une hausse des coûts pour l’assurance maladie. Les symptômes pris en charge couramment chez l’ostéopathe comme la lombalgie, qui auraient été pris en charge habituellement par les mutuelles (via l’ostéopathie), seraient compensés par des recours médicaux plus lourds, plus coûteux ou générateurs d’effets secondaires (médicaments, imageries, arrêts).

Le rapport du Sénat5 évoque la logique marketing des mutuelles qui utiliseraient les garanties « médecines douces » comme argument promotionnel, et suggère de les rendre optionnelles pour tous ceux qui n’y recourent pas, afin de faire baisser les coûts globaux des complémentaires. Cette démarche de rationnement par la suppression de l’offre pourrait être contre-productive si elle induit des surcoûts du côté de l’assurance maladie obligatoire.

En tout cas, c’est ce que montre l’étude d’impact économique réalisée par le cabinet « ASTERES ÉTUDES & CONSEIL » pour le compte du registre des ostéopathes de France et CBF Assurances en avril 20196.

« Les 6% de patients qui consultent un ostéopathe en plus du parcours classique ont un taux de rétablissement supérieur ce qui permet un gain économique global de 67 millions € par an.

Cet impact se répartit entre :

  • 29 millions € d’économies pour la CNAM ;
  • 51 millions € de gains pour les entreprises ;
  • et 13 millions € de dépenses supplémentaires pour les patients et leurs complémentaires santé.

L’impact économique de l’ostéopathie pour la société est donc globalement positif. »

Risques et effets pour les patients

Accès aux soins inégalitaire

Le sondage montre que ce sont surtout les patients plus fragiles, jeunes ou à faibles revenus, qui seraient tentés de renoncer aux soins spécialisés en cas de perte de remboursement. Ces populations déjà vulnérables se verraient privées d’un recours alternatif non médicamenteux.

Substitution ou sous-consommation de soins

Certains patients pourraient soit se tourner vers des médecins généralistes ou spécialistes (chargés par ailleurs) pour des troubles fonctionnels, soit s’abstenir de toute prise en charge. Dans le second cas, on peut craindre une aggravation des symptômes, une chronicisation ou des complications plus coûteuses. L’ostéopathie est souvent sollicitée pour les douleurs musculosquelettiques, qui font partie des motifs fréquents de consultation.

Risques et défis pour la profession d’ostéopathe

Baisse d’activité et précarisation

D’après les chiffres de l’UNASA7 8 en 2022, le bénéfice mensuel médian des ostéopathes est de 1 458€.
Pour comparaison, le SMIC net en 2025 est de 1 426,30€ par mois.
Donc 50% des ostéopathes gagne « un SMIC » ou moins.

Une réduction significative du nombre de consultations ferait directement baisser le chiffre d’affaires des praticiens. Cela pourrait pousser certains à abandonner l’exercice libéral.

Dans le contexte actuel, une diminution de 33% du nombre de patients rendrait dramatique l’état des finances de ostéopathes les plus « précaires » ainsi que l’installation des jeunes diplômés. Ce qui amènerait, sans aide sociale, un bon nombre d’ostéopathes largement en dessous du minimum vital9.

Faisons faire une estimation à ChatGPT pour un personnes qui aurait le bénéfice médian de la profession afin d’entrevoir une diminution de 33% des patients et de son impact sur le bénéfice comptable.

📊 Calcul par Chat GPT

HypothèseBénéfice mensuel si -33 % de patients
Charges 100 % variables≈ 978 €
Charges 50 % fixes / 50 % variables≈ 617 €
Charges 70 % fixes / 30 % variables≈ 472 €
Afficher la 💻Réponse complète de ChatGPT ֎👈

Script de la question : D’après les chiffres de l’UNASA en 2022, le bénéfice mensuel médian des ostéopathes est de 1458€. si 33% des patient ne venais plus, que deviendrais ce chiffre ?

💻Réponse :

Très bonne question — et tu as raison de vouloir raisonner à partir du bénéfice médian, pas du chiffre d’affaires.
Prenons ça étape par étape, en étant rigoureux mathématiquement 👇

🧮 Données de départ
  • Bénéfice mensuel médian actuel : 1 458 €
  • Ce bénéfice dépend directement du nombre de patients, donc si 33 % de patients disparaissent, on suppose :
    • même tarif par séance,
    • même charges fixes (loyer, assurance, etc.),
    • charges variables (frais liés aux soins) proportionnelles à l’activité.
⚙️ Étape 1 : Modéliser la relation

Le bénéfice = revenus – charges
Les revenus chutent de 33 % → passent à 67 % de leur valeur initiale.
Mais toutes les charges ne chutent pas autant. On distingue :

  • Charges fixes : ne bougent pas (local, assurance, cotisations minimales, etc.)
  • Charges variables : chutent avec l’activité (matériel, produits, etc.)

Pour un ostéopathe, les charges sont majoritairement fixes (entre 60 % et 80 % du total des charges).

On va donc estimer trois scénarios réalistes 👇

🧩 Étape 2 : Trois scénarios
🔹 Scénario 1 — 100 % des charges sont proportionnelles (irréaliste mais donne une borne haute)

→ le bénéfice baisse de 33 %.
1458×(1−0.33)=1458×0.67=977.86€

➡️ ≈ 978 €/mois

🔹 Scénario 2 — 70 % des charges sont fixes, 30 % variables (plus réaliste)

Supposons qu’actuellement :

  • Revenu brut = R
  • Charges totales = C
  • Et bénéfice = R – C = 1 458 €

Posons C = 0,6 R (donc bénéfice = 0,4 R = 1 458 € ⇒ R = 3 645 € environ)

Nouvelle situation :

  • Revenu chute à 0.67 × 3 645 € = 2 443 €
  • Charges fixes = 0.7 × C = 0.7 × (0.6 × 3 645) = 1 531 €
  • Charges variables = 0.3 × C × 0.67 = 0.3 × 0.6 × 3 645 × 0.67 = 440 €
  • Charges totales nouvelles = 1 531 € + 440 € = 1 971 €

➡️ Nouveau bénéfice = 2 443 € – 1 971 € = 472 € / mois

🔹 Scénario 3 — 50 % des charges fixes, 50 % variables

Même raisonnement :

  • Revenu initial : 3 645 €
  • Charges fixes = 0.5 × C = 0.5 × 0.6 × 3 645 = 1 094 €
  • Charges variables = 0.5 × C × 0.67 = 0.5 × 0.6 × 3 645 × 0.67 = 732 €
  • Total charges = 1 094 + 732 = 1 826 €

➡️ Nouveau bénéfice = 2 443 € – 1 826 € = 617 € / mois

💡 Conclusion

En pratique (charges fixes importantes), une baisse de 33 % de la patientèle ferait probablement chuter le bénéfice médian de 1 458 € → entre 450 € et 600 € par mois, soit une perte de 60 à 70 % du revenu disponible.

Représentation sociale de l’Ostéopathie

Un discours politique en faveur du déremboursement de l’ostéopathie pourrait être perçu comme une remise en cause de la légitimité même de la profession. Cette perception risquerait d’altérer non seulement la représentation qu’en ont les patients, mais aussi celle des autres professionnels de santé.

À terme, une perte de confiance fragiliserait les relations interprofessionnelles et rendrait plus difficile l’établissement d’une bonne relation thérapeutique avec les patients.

Conclusion

Le débat autour du déremboursement de l’ostéopathie ne porte pas seulement sur le périmètre de la couverture santé, mais sur l’équilibre entre économies perçues, transferts de charges, et maintien de l’accès aux soins. Les analyses disponibles suggèrent que le gain pour les mutuelles pourrait être largement compensé par un coût additionnel pour la Sécurité sociale, tandis que les populations les plus fragiles paieraient le prix fort d’un retrait de la couverture.

Plus que jamais, ce dossier appelle une évaluation prospective rigoureuse, une concertation équilibrée entre ostéopathes, professionnels de santé, pouvoirs publics et mutuelles, et une approche mesurée, plutôt qu’une suppression des garanties ostéopathiques.

L’intervention de Mme Stéphanie RIST, Ministre de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, reste rassurante mais sans précision sur l’avenir.


  1. Cf. page 232 et 233 du rapport « Pour un redressement durable de la sécurité social » réalisé en Juin 2025 ↩︎
  2. Question à l’assemblé nationale de Mme. la député Sandrine Josso, Santé – Maintien des soins ostéopathiques dans le champ des contrats responsables ↩︎
  3. OCAM = Organismes complémentaires d’assurance maladie ↩︎
  4. UPO [vu en ligne le 07/10/2025], 33% des patients renonceraient aux soins en ostéopathie en cas de déremboursement, https://www.upo-federation-osteopathie.fr/2025/09/19/30-des-patients-renonceraient-aux-soins-en-osteopathie-en-cas-de-deremboursement/ ↩︎
  5. SENAT, HAUSSE DES TARIFS DES COMPLÉMENTAIRES SANTÉ ET POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS, 2024; 16p. ↩︎
  6. ASTERES, L’ostéopathie en France : un bilan économique positif, Avril 2019; https://asteres.fr/etude/losteopathie-en-france-un-bilan-economique-positif/ ↩︎
  7. Union Nationale des Associations Agréées. DONNEES STATISTIQUES sur LA PROFESSION LIBERALE EN FRANCE, Ostéopathe : numérotation p205-206. ↩︎
  8. Le journal « L’Essentiel de l’Éco. » a publié un article le 1er octobre 2025 « Combien gagne un ostéopathe ? », vous y trouverez d’autres informations concernant le revenue des ostéopathes, leurs statuts, le tarif des consultations… ↩︎
  9. « En moyenne, ce minimum vital est évalué à 1 610 euros », DREES, Minima sociaux et prestations sociales, Edition 2017 ↩︎

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