ψ52 – Parcours Ostéopathique du Dr Fenoll

Je suis sorti d’Alfort en 1981, au terme de cinq années d’études plus ou moins studieuses. J’ai essayé de réformer l’enseignement tout seul, en expliquant aux profs qu’ils s’y prenaient comme des billes et en leur
donnant des conseils. Bizarrement, ils n’ont tenu aucun compte de mes observations, et m’ont conseillé de prendre un peu de recul.

Pendant les quatre années suivantes, je fais aussi de l’acupuncture, à
l’école véto grâce à Fred Molinier (et aussi Milin, Demontoy, Lizon,
Janecek, et quelques autres). Je tente d’apprendre l’ostéopathie, et
j’arrête très vite en me disant que c’est destiné aux êtres humains, pas aux animaux. Je fais des consults d’homéopathie en clinique canine, avec quelques élèves de ma promo. Le prof tolère plus qu’il n’encourage, mais il ne censure pas, dans ces années 78-79, c’est remarquable.

Je rencontre Dominique Giniaux, praticien équin, qui nous parle de ses
succès thérapeutiques sur les coliques du cheval avec l’acu, les boiteries et l’homéo, et les cures chirurgicales d’adhérences de castration. Je travaille épisodiquement avec lui.

En sortant de l’école, je pars en Allemagne et en Alsace, puis en Charente, et je m’installe seul en 1984. En passant à Grosbois un vendredi, je retrouve Giniaux, qui est en train de révolutionner la clinique orthopédique en manipulant des chevaux. Je le regarde faire, c’est génial, il lie le viscéral au musculosquelettique et traite un ensemble, pas un symptome la pathologie infectieuse, métabolique, … je sais que c’est ce que je veux faire.

Je reviens autant que je peux, puis je reste à toutes les consultations de Dominique, à Grosbois et à Lamorlaye pendant près de deux ans (87 88). Un jour, il me demande de traiter un cheval à sa place (devant les yeux modérément enthousiastes du client), c’est sa façon de me dire que mon apprentissage est terminé. il m’envoie quelques clients.

En 1988, une tentative d’enseignement privé se met en place à l’institut WG Sutherland, une école de la collégiale, installée à St Ouen, à l’initiative de Dominique. L’équipe comprend un véto praticien de Chantilly JP Girot, D. Giniaux, F. Loshouarn et moi (les deux élèves de D. Giniaux) et le Pr JM Denoix. L’équipe explose avant la première promo, pour divergences de vue, au sujet de la direction de l’enseignement. Il existe une plaquette publicitaire pour cet enseignement d’ostéopathie vétérinaire.

Je tourne à 100% d’ostéopathie depuis, presque exclusivement en chevaux, avec quelques chiens. Il m’est arrivé parfois de soigner quelques humains par accident et dépannage et cela me plaît. Aussi J’essaye de m’inscrire à une formation à temps partiel pour obtenir le DO, sans succès jusque là. J’aimerais m’éloigner davantage des herbivores pour me consacrer aux humains.

Lors de la mise en place de l’enseignement de Nantes, j’ai décliné la
proposition de participer à l’enseignement, et je n’y suis venu qu’en 2004 à la demande de Claire Douart, pour contribuer à occuper un peu du vide laissé par D. Giniaux qui avait finalement accepté d’enseigner après avoir refusé initialement.

Quelle place pour l’ostéopathie dans le monde de demain ?

Dans les vingt ans à venir, l’ostéopathie va glisser vers une pratique que je qualifierais plus d’ «orthopédie mécaniste», et c’est bien dommage!

L’ostéopathie est bien plus qu’une technique de manipulation vertébrale, ou de restauration des congruences articulaires et des tensions des ligaments, des méso et des fascia, c’est une façon d’appréhender le fonctionnement de l’être vivant dans son entièreté.

Le motif de consultation est toujours, d’une façon ou d’une autre, la souffrance. Ce symptôme est la résultante des situations dans lesquelles l’organisme a été mené, des choix qui ont été faits, et aussi des accidents et des pathologies organiques. L’état du patient au moment où il décide de consulter est la somme de toutes ces influences. La douleur est aussi la ficelle qu’on peut saisir pour le faire travailler sur certains de ses choix, attirer sa conscience vers les régions les plus douloureuses et les plus ignorées, sinon refoulées de son parcours de vie.

Toutes ces tensions subies, ces postures, ces douleurs et ces blocages racontent l’histoire du corps, la façon dont il a affronté ce qu’on lui demandait, avec ce qu’il avait comme force et comme « capital santé ». L’ostéopathe attentionné et (bien) intentionné, permet aux tissus de trouver un équilibre plus satisfaisant, plus conscient et plus adapté. Le travail permet, en « tâche de fond », au sujet de se réapproprier son corps, et d’en devenir davantage conscient. La psyché n’habite pas que les deux hémisphères cérébraux. Le travail de l’ostéopathe s’apparent à la « psychanalyse de la viande », et permet de restaurer le lien de conscience entre le sujet et l’ensemble de son anatomie. C’est ça qui fait de cette ostéopathie quelque chose d’original et de magnifique. C’est cela également qui lui donne ce caractère un peu subversif.

Notre époque, davantage versée dans l’imagerie que dans le travail de la conscience, semble accepter les bienfaits des soins ostéopathiques dans ses aspects biomécaniques avec leurs conséquences sur la circulation des liquides, mais pas encore tout à fait sur ses aspects moins palpables. L’ostéopathie est donc circonscrite aujourd’hui à une kiné améliorée, à une orthodoxie de la mécanique vertébrale.

Ceci en grande partie parce que notre monde évolue vers l’établissement de protocoles pré-établis, contrôlés et contrôlables; et donc mécanistes. Ce qui pourra être vu comme un avantage par l’ordre vétérinaire qui cherche à réserver l’ostéopathie aux vétos : en faisant entrer dans les protocoles des techniques strictement véto comme l’imagerie, ils coupent l’herbe sous le pied aux non-vétos… Et aussi car nous sommes de plus en plus nombreux à pratiquer l’ostéopathie animale, particulièrement les non vétérinaires, renforçant l’idée de la nécessité d’un contrôle. Il est plus facile de comparer et contrôler des schémas mécanistes qu’un ressenti individuel. Certains feront encore, je l’espère, une ostéopathie vraie, sensitive, inventive et libre. Une vingtaine d’année difficile pour l’ostéopathie, ensuite on devrait revenir à une pratique plus proche de ce que les anciens (Magoun, Sutherland, Littlejohn, Rollin Becker, …) enseignaient et pratiquaient avec un certain succès. L’époque d’alors tolérait sans doute davantage le politiquement incorrect.


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