108 – Dépêche de janvier 2015.
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Parfois, l’ostéopathe est appelé quand toutes les ressources de la médecine classique ont été épuisées sans résultat probant. Parfois aussi, les pathologies ainsi rencontrées sont bien loin de « l’Os » ou des problèmes locomoteurs. Par son action tissulaire, la manipulation ostéopathique peut « remettre en marche » des organes ou des nerfs lésés. Le cas de Tarik illustre cette approche et fait aussi la part belle à l’intuition, qui n’étonne plus l’ostéopathe tellement elle intervient de plus en plus souvent dans un soin fonctionnel.

Tarik est un PS de réforme, hongre, de …26 ans, qui se porte comme un charme, soutenu par un caractère bien trempé et une propriétaire qui le chouchoute depuis ses tendres années.

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Début janvier 2012, après un soin dentaire un peu laborieux (extraction du coin inférieur droit avec racine, cassée, restée à l’intérieur de la mâchoire et inflammation par la suite), le cheval a été placé sous antibiotiques et présente une excroissance mandibulaire en regard du coin extrait. En parallèle, le cheval s’est mis à se frotter furieusement au niveau maxillaire et zygomatique, entrainant des lésions de la peau et une perte de poils bilatérale. Le vétérinaire traitant, au vu des lésions dermatologiques, a diagnostiqué une allergie au licol (les dépilations suivent effectivement peu ou prou les lanières d’un licol) et prescrit des anti-inflammatoires et des soins locaux pour limiter le prurit. Malgré les traitements rigoureusement suivis et devant l’aggravation des symptômes dermatologiques, la propriétaire s’alarme et fait appel à l’ostéopathie (!) pour comprendre l’origine de ces épilations, d’autant que le comportement du cheval semble affecté par le prurit incessant.

Janvier 2012 : La première consultation ostéopathique met en évidence une forte traction médullaire entre crane et sacrum.

L’extraction du coin a provoqué une réaction inflammatoire un peu excessive qui est encore perceptible par un léger œdème sous les apophyses zygomatiques des deux côtés. Cette intervention a entrainé une tension sur la moelle épinière qui verrouille le crane en rotation droite. Des tensions viscérales sont retrouvées sur le foie et l’estomac.

mars 2012, rappel de la propriétaire car le cheval a repris du moral et de l’allant depuis la précédente visite mais il reste des dépilations sur les zygomatiques, le front et le sommet de la tête avec prurit partiel.

Le problème dentaire semble aussi bien cicatrisé même s’il reste une enflure au niveau de la dent qui a été extraite. Lors de cette consultation, peu de dysfonctions vertébrales sont retrouvés et certaines (bascule du bassin) sont installées depuis longtemps. Deux dysfonctions viscérales notables sont cependant ressenties : le poumon droit, sans doute en relation avec la récupération très lente au niveau de la peau et le rein droit en « vide énergétique ».

La manipulation porte majoritairement sur le crane : rééquilibrage du crane, du frontal, du paléocervelet, des ATM jusqu’à détente complète de la mâchoire (bâillements). Des aiguilles d’acupuncture placées en « dispersion » sur les points « cœur 3 » et « Foie 3 » des méridiens d’acupuncture correspondants viendront compléter le soin pour soutenir les fonctions rénale et pulmonaire.

mai, nouveau rappel : Tarik va globalement très bien mais le prurit et les dépilations faciales sont toujours présents. Malgré une peau qui a retrouvé une structure correcte, le poil ne repousse pas. Les zones dépilées sont comme « atones », sans sensibilité, douleur, ou traces d’inflammation… La propriétaire a essayé de mettre de l’argile pour calmer le prurit avec des résultats en demi-teinte. Le cas pose question et, malgré tous les traitements entrepris depuis 6 mois maintenant, tant en allopathie qu’en ostéopathie, les dépilations persistent…

C’est alors que le schéma anatomique du nerf facial s’impose… sans vraiment savoir pourquoi il apparait ici et à ce moment-là. Mais, à la réflexion, les zones dépilées s’inscrivent plutôt bien sur le trajet des branches de la 7ème paire de nerfs crâniens qui se ramifie au niveau de l’orbite, de l’oreille du maxillaire et de la mandibule ainsi qu’un rameau qui part sur le trajet de la veine jugulaire,.
L’importance du nerf facial dans les fonctions proprioceptives et extéroceptives de la face explique qu’une compression des racines de ce nerf (par l’ouverture forcée de la mâchoire et un ajustement incorrect du pas d’âne par exemple) peut priver les territoires cutanés correspondants d’une circulation nerveuse harmonieuse et bloquer ainsi la cicatrisation et la repousse du poil sur les zones lésées. Un traitement ostéopathique fonctionnel et tissulaire est alors entrepris, depuis la racine jusqu’aux branches frontales, maxillaire et mandibulaire, de chaque coté de la face en tentant de modeler doucement la peau comme pour masser l’ensemble du trajet nerveux en terminant par un contrôle des ATM.
La propriétaire est prévenue de « l’essai » et doit donner des nouvelles sous quinzaine.

En juin, elle envoie le mail suivant :
« Tarik va très bien. Son poil repousse uniformément et à trois pas de lui on ne remarque presque rien ; il n’y a plus de prurit, il ne touche plus à sa tête même quand j’ai arrêté il y a peu de lui mettre de l’argile pour voir… ». Les images envoyées attestent du résultat (surprenant, même pour l’ostéopathe !)

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Un dernier échange de photos le 22 septembre prouve que la guérison est acquise, sans réversion ni rechute.

Même si le résultat dépasse les espérances (et fait rager de n’y avoir pas pensé plus tôt !), cet exemple montre que les manipulations tissulaires peuvent « débloquer » une circulation nerveuse, sanguine ou lymphatique tant il est vrai que A.T. Still, fondateur américain de l’ostéopathie, posait en règle fondamentale celle dite « de l’artère » : un organe, quel qu’il soit (os compris) ne peut fonctionner correctement que s’il est bien irrigué… L’irrigation peut ainsi s’entendre au-delà de la circulation sanguine !

Encart : Quelques rappels anatomiques

Le nerf facial correspond à la 7ème paire de nerfs crâniens, il émerge de la moelle allongée en un tronc commun avec le nerf VIII (nerf vestibulo-cochléaire) au niveau de ce que l’on appelle le corps trapézoïde, entièrement dévolu à l’audition.

Son trajet se divise en 3 parties : intracrânienne, intra-osseuse et extra-crânienne.
Cette portion extra-crânienne sort par le trou stylo-mastoïdien, situé en arrière de la bulle tympanique. C’est un nerf branchial qui possède des fibres branchio-motrices (muscles masticateurs) et sensitives : extéroceptives (revêtement cutané de la face, tuniques muqueuses des cavités nasales et buccales) et proprioceptives (muscles masticateurs).

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6 réflexions sur “108 – Dépêche de janvier 2015.”

  1. Véronique Zenoni

    108 – Dépêche de janvier 2015.
    très bel article. merci Cath de nous montrer l’exemple !!!

    Et petite question, sais-tu pourquoi ce coin avait été enlevé ? (si ce n’est pour que tu te balades sur le trajet du nerf facial ?

    Bises

    Véro

    1. Catherine Laurent

      108 – Dépêche de janvier 2015.
      Bonjour Véro et merci pour ton message.

      Je ne me rappelle plus exactement pourquoi ce coin avait été enlevé mais je crois que c’est parce que la couronne était cassée.
      Pourtant le dentiste est réputé en Gironde mais je pense que le soin a du obliger le cheval à rester avec la bouche ouverte trop longtemps (distension nerveuse et fasciale).

      Cependant, j’ai tenté des manipulations similaires sur une paralysie faciale récemment (avec ptôse de la lèvre inférieure etc.) et la ptôse a persisté.
      je pense qu’il y a un stade de lésion nerveuse au-delà duquel il est difficile d’espérer une cicatrisation sans séquelle.
      Tarik était heureusement au stade de l’irritation et non de la lésion.

      Bises

      catherine

      PS : super le reportage sur la 3 mais rassure-moi : tu ne fais pas tous les jours 1 heure de marche à pied en montagne pour rejoindre tes clients ?..!

      1. Veronique Zenoni

        108 – Dépêche de janvier 2015.
        Merci Cath

        pour le cas que tu évoques, as-tu travaillé à partir des noyaux du tronc cérébral ?

        Et ce n’est que de temps en temps que je m’offre le plaisir d’une marche en montagne pour consultation !

        Biz

        1. Catherine Laurent

          108 – Dépêche de janvier 2015.
          Bonjour Véro,

          Oui, j’avais été jusque dans le paléocervelet et le tronc cérébral mais la motricité de la lèvre inférieure n’est pas revenue.
          Je l’ai revue tout dernièrement à l’occasion d’une visite sur le nouveau cheval de la propriétaire. Elle m’a semblé triste et « absente » au-delà de son problème physique (qui ne l’empêche absolument pas de manger correctement). J’ai remis les mains sur le crane et ai conseillé Hypericum suite au message de Catherine… A suivre…
          Bises
          Catherine

  2. catherine rigal

    108 – Dépêche de janvier 2015.
    j’ai beaucoup apprécié cet article Catherine. Le début peut sembler un peu abscons pour un non ostéo mais la suite est extrêmement didactique. Le cas particulièrement spectaculaire et intéressant par ton rappel de l’anato si clarifiante. BRAVO
    une remarque pour ton autre cheval à ptose: tu peux tenter à peu de frais, de prescrire HYPERICUM30CH 3granules une à deux fois par jour pendant au moins 15 jours de suite pour voir si ça n’aide pas le nerf lésé à se réparer, ça peut être long s’il doit reprendre son chemin depuis la lésion…
    bizoux

    1. Catherine Laurent

      108 – Dépêche de janvier 2015.
      Merci Catherine,

      j’ai transmis à ma cliente qui va essayer !
      Je te tiendrai au courant

      Catherine

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