Dans cet article, issu de l’expérience d’un Ostéopathe de terrain, il va être tenté de répondre à une question fréquemment posée par les patients :
Pourquoi les accidents de voiture donnent-ils des problèmes cervicaux plusieurs années après ? (sous entendu : pourquoi pas de suite ?)
Pour répondre à cela, il faut revenir sur quelques définitions :
Le whiplash est une lésion ostéopathique concernant l’axe rachidien et plus particulièrement la dure-mère, lien mécanique inextensible entre base crânienne (et même boîte crânienne) et sacrum, ainsi que l’appareil ligamentaire inter vertébral. La lésion est de nature « coup de fouet » c’est-à-dire très instantanée et globale, assurant un changement de comportement de la dure-mère et des ligaments intervertébraux propre à en modifier la physiologie mécanique.
Nous y reviendrons en étudiant le traumatisme.
La lésion ostéopathique est un changement post-traumatique dans le comportement élastique des fibres des ligaments, des éléments fibreux de maintien, avec une disparité entre des mouvements symétriques. Ceci débouche sur une asymétrie de fonction repérée au test ostéopathique, outil de base de l’Ostéopathe.
En voici une hypothèse personnelle plus élaborée :
Depuis des millions d’années le corps des animaux est soumis de temps à autre à des chocs violents (percussion par de gros animaux, chute dans des ravins, chocs par des branches, placement d’un pied dans un trou, etc.).
À chaque fois que se produit un de ces traumatismes, une région du corps est soumise à compression, étirement, cisaillement, et cela peut, lorsque les forces traumatiques dépassent les capacités de résistance de l’organisme, déboucher sur une fracture, qui est une rupture de la structure la plus solide, l’os.
Dans la nature, la sanction est lourde à court terme, c’est la mort par incapacité à se nourrir où à s’échapper. Dans la société humaine, cela peut être soigné et guéri. Entre l’accident bénin et la fracture, nous trouvons dans les créneaux de forces moins importantes, les dégâts ligamentaires, entorses avec œdème ou arrachement ligamentaire, tout aussi incapacitants pour les animaux que la fracture, car souvent suivis dans la nature d’une luxation articulaire au premier effort violent (chasse, fuite).
La nature ne peut empêcher une force colossale de briser un os, mais elle a mis en place un mécanisme de défense intermédiaire pour limiter la casse dans les traumatismes ligamentaires, élargissant la fourchette des accidents sans incidence sur la fonctionnalité globale de l’animal (ou de l’humain) victime d’un traumatisme.
Ce mécanisme de défense est la lésion ostéopathique, qui, donc, loin de constituer un inconvénient, est une chance pour les tissus, ou plutôt pour la fonctionnalité du sujet.
Dans cette fourchette d’efforts mécaniques brefs et intenses risquant de léser un ligament, le corps (probablement le cerveau archaïque) provoque un relâchement de l’élasticité du ligament en danger. Ce mécanisme est susceptible en effet d’éviter le déchirement (si le ligament restait très rigide et tendu) et laisse au contraire le ligament s’étirer le plus possible sans se rompre. Cela donne aux tissus une fourchette supplémentaire d’amplitude sans casse, cela élargit le champ des accidents sans séquelles autres que la lésion ostéopathique (mais conservant la fonctionnalité du sujet). Bien évidemment le système a ses limites, et au delà de ce mécanisme, si l’énergie du traumatisme n’est pas épuisée, il y a rupture du ligament, mais l’intérêt évident est que, statistiquement, cela donne un nombre plus important de sujets qui survivent (chez les animaux) à une entorse, ce qui a donc constitué un instrument de survie dans l’évolution.
Reprenons l’exemple de la cheville, entre autres, parce qu’il est le plus fréquent.
Lors d’une entorse en varus, le couple de forces en présence met l’ensemble talus-calcanéum en rotation d’adduction sous le squelette jambier. Les deux forces en cause sont le poids du corps (majoré par l’élan) qui pousse le couple malléolaire tibio-fibulaire vers le sol, et la réaction du sol dur qui résiste à l’enfoncement du calcanéum en le renvoyant vers le haut.
Ce mouvement met en tension les ligaments talo-fibulaire antérieur et postérieur ainsi que le ligament calcanéo-fibulaire (ancien ligament latéral externe) de la cheville.
Si le ligament était sec comme en dissection, il présenterait une résistance élevée à l’étirement avec un seuil soudain de rupture. Ce n’est pas le comportement du ligament vivant, et c’est pourquoi l’étude de l’anatomie sur le cadavre est probablement inadaptée (à mon sens) à l’éducation de l’Ostéopathe qui doit privilégier la palpation de nombreux sujets vivants afin d’appréhender le comportement du tissu vivant.
En effet, ce ligament vivant, soumis à un étirement retransmis au système nerveux via l’innervation proprioceptive, va voir l’innervation lui renvoyer une commande d’allongement, probablement par une boucle réflexe très courte, ce qui va permettre deux choses :
1 Augmenter l’amplitude de l’allongement, donnant ainsi un peu de marge géométrique au ligament, sans qu’il déchire immédiatement.
2. Allonger le temps de l’allongement traumatisant, ce qui va permettre au corps d’absorber le choc sur un peu plus de temps, donc de répartir la contrainte mécanique sur les tissus avoisinants, la diluant ainsi, et permettre également au reste du corps d’effectuer une gestuelle d’évitement (fléchir les membres inférieurs, amorcer une chute pour épargner la cheville, etc.) grâce à ce minime surplus de temps.
Ce véritable comportement réflexe du corps coïncide avec la première partie de la lésion ostéopathique, l’allongement élastique du ligament agoniste. Mais il existe une deuxième partie, corollaire.
En effet les structures ligamentaires, tout comme les structures musculaires, sont innervées (la dure-mère aussi) et cette innervation est probablement orchestrée en termes d’agonistes-antagonistes. Lorsqu’un muscle (agoniste) est sollicité activement par le système nerveux, il y a automatiquement relâchement de l’antagoniste (le muscle créant le mouvement opposé). Dans le mécanisme de l’entorse, il y a fort à parier (c’est une hypothèse personnelle) que la « commande » de relâchement du ligament latéral de la cheville s’accompagne automatiquement d’une commande de rétraction du ligament antagoniste soit le ligament médial de la cheville dans notre exemple, donnant alors ce résultat bien connu de l’Ostéopathe, cette lésion de la cheville « en varus » avec une cheville qui veut bien aller en varus, mais refuse (du point de vue de l’élasticité) d’aller en valgus. Il n’y a pas de changement de conformité de l’articulation de la cheville mais un changement dans son comportement dynamique, orchestré par le cerveau animal, celui-là même auquel s’adressait Émile Coué dans sa méthode d’auto suggestion, ce cerveau qu’il faut rassurer avec des mots simples pour voir disparaître des peurs anciennes et inadaptées (hypnose, Programmation Neuro- Linguistique…).
Pourquoi cette hypothèse ? Simplement parce que le mode de correction de l’Ostéopathe qui consiste à reproduire la situation lésionnelle avec ses prises de main et voir s’effacer la lésion en séance s’adresse par le toucher au cerveau animal (peut-être au cerveau réflexe qu’est le cervelet). C’est lui qui lâche, en l’absence de la peur liée à l’accident, la lésion qu’il avait mise en place pour assurer la pérennité de l’articulation, et donc, noble but s’il en est, la pérennité de l’individu, animal ou humain. C’est un moyen idéal pour expliquer la nature de la lésion ostéopathique et l’efficacité de l’Ostéopathie fonctionnelle. L’Ostéopathie structurelle, elle, trompe la vigilance de l’organisme pour atteindre la position de correction, c’est pour cela qu’il lui faut une haute vélocité, mais l’ensemble du substrat est forcément neurologique, c’est le seul lien expliquant la simultanéité d’un changement dans deux ligaments antagonistes, alors qu’un seul est traumatisé, et également la persistance de la correction après la séance.
Or donc concernant notre whiplash, que se passe-t-il ?
Dans le cas des whiplash classiques, l’onde de choc arrive par l’arrière, se transmet au siège du véhicule qui l’imprime au rachis lombaire, au rachis dorsal bas et au sacrum du passager assis. La vitesse de propagation fait que l’onde de choc descend vers le sacrum et le fixe en extension (pointe en arrière) par inertie (coup de fouet) et monte vers l’occiput pour le balancer en flexion (écaille en bas et en avant), deux paramètres contradictoires dans la physiologie crânio-sacrée. L’onde se propage plus loin dans le crâne sur les lignes de force de traction que constituent les fibres de la dure-mère dans sa portion centrale, la faux du cerveau, jusqu’à l’apophyse Crista Galli de l’ethmoïde que l’impact tracte vers le haut et l’arrière, encastrant l’ethmoïde sous le frontal. La faux se recroqueville (migraines). L’occiput se serre entre les temporaux dont la position en rotation interne ou externe, (aggravée par la mise en tension de la tente du cervelet) fera varier la pathologie crânienne associée.
Mais que se passe-t-il au niveau des cervicales ? Il est loisible de penser que l’onde de choc les place de facto en post flexion. Ceci constitue le premier temps du whiplash. Lorsque l’on sera amené à corriger, ce sera le dernier temps de correction.
Car, dans de nombreux cas viennent se rajouter les effets de l’impact du siège sur le sacrum (antériorité) et sur l’occiput (poussée de l’appui-tête vers l’avant), retrouvés dans les whiplash violents.
Ensuite le sujet repart en avant dans une sorte de rebond. Les cervicales sont alors forcées en flexion antérieure (deuxième temps du whiplash), avec compression des disques (temps traumatique discal), créant probablement par l’impossibilité des disques de s’essorer rapidement pour répartir l’écrasement, des microfissures autour de la région du nucléus pulposus qui cherche à s’étaler dans l’instant. Le sujet étant retenu par sa ceinture, des serrages se produisent également sur la clavicule, le sternum, et parfois sur le bassin, s’accompagnant d’une deuxième onde de choc le long de la colonne, surtout cervicale, cette fois, assurant souvent un double blocage de l’occiput entre les temporaux, un coup de fouet n’en annulant pas un autre.
Au final ce sera un patient avec des restrictions importantes qui repartira de cet accident, souvent classé comme banal ou sans suite par la Médecine, en l’absence de complications immédiates.
Les conséquences à long terme, bien connues des ostéopathes sont pourtant multiples :
Les blocages de l’occiput, associés à ceux du sacrum, assureront un ralentissement progressif de la vitalité de la personne, induisant parfois un état pré dépressif, souvent un syndrome de fatigue inexpliquée, voire avec le temps une dépression avérée.
Les mises en tension chroniques des tissus cervicaux assureront une limitation de la mobilité cervicale entrainant sur le long terme un déficit de mobilité donc de pompage discal naturel. Les microfissures amorcées à l’accident évolueront progressivement, sur plusieurs années vers le pincement discal qui manifestera des symptômes cinq à dix ans après, à type de névralgies cervico-brachiales, céphalées, torticolis à répétition, qui amèneront le patient à consulter l’Ostéopathe devant l’impossibilité de traiter efficacement ces pathologies récidivantes sans cause apparente.
La tâche de l’Ostéopathe sera alors évidente : restaurer la mobilité crânio sacrée, la mobilité de l’occiput entre les temporaux, lever les restrictions de la dure-mère crânienne, du sacrum entre les iliaques, la mobilité la meilleure possible des cervicales encadrant les disques en souffrance ou en perte de hauteur, sans manipulations en rotation (qui « essorent » les disques déjà bien abîmés) puis soigner par induction discale ces disques pour restaurer un espace optimal pour le passage des racines nerveuses cervicales.
Ce panel de corrections pourra venir à bout de situations douloureuses devenues chroniques plusieurs années après l’accident, et durant parfois depuis plusieurs années, faisant le lien entre l’origine et les conséquences, ignorées par le corps médical.
La récupération du (de la) patient(e) pourra également concerner des problèmes considérés comme annexes (migraines, sinusites, troubles digestifs…) nous ramenant là encore à l’unité du corps.
La réponse, enfin, à la question des patients (Pourquoi si longtemps après ?) est plus apparente : L’accident installe les tissus dans l’hypo-mobilité. Il leur faut ensuite du temps pour se dégrader, surtout les disques, hypo-pompés.
Le Site de l’Ostéopathie remercie notre confrère, Pierre Renaudeau, pour sa contribution et son article. 1ère publication sur le Site de l’Ostéopathie le 1 juillet 2011 .