Ostéopathie, je suis inquiet

Ostéopathie, à l’annonce du confinement, j’ai dépensé beaucoup d’énergie et de temps pour faire face à toutes les perturbations que celui-ci a engendré pour mon cabinet (précipiter mes derniers RDV, penser à mes charges, annuler les RDV, trouver de l’argent au niveau des divers organismes, fournir du contenu multimédia pour l’école d’ostéopathie dans laquelle j’interviens…). Les 15 premiers jours, être un ostéopathe en confinement, avec mes enfants à la maison, fut une activité à temps plein.

Il y a alors un profond sentiment de mal-être que j’ai discerné en moi… Ostéopathie, Je te le confie : dans toute cette agitation, je crois être resté axé sur moi uniquement… Mon attention fut entièrement sur la pérennité de mon activité, de mon statut… Mais Toi, dans tout cela, Ostéopathie ? Non, à aucun moment je ne t’ai demandé ton avis sur la situation.

Bienheureusement, pour les cours que je prépare à ce moment-là pour toi, Ostéopathie, au sein d’une école, je me suis fixé de faire des recherches dans les écrits de celui qui t’as mis à jour, A. T. Still. Je n’ai pas cessé de croire, du haut de ce qu’il me semble être mon « expérience » de 15 ans à tes côtés Ostéopathie, que tes jeunes élèves ne te lisent pas assez. Mais lorsque je tourne les pages des enseignements du « Vieux Docteur », je suis stupéfait et comprends alors mieux mon mal être : « Qu’ai-je retenu de qui tu es Ostéopathie ? Ai-je été attentif à l’ensemble des explications de celui qui t’a compris et fait naitre ? ». Tu as 40 ans de recherche et de pratique, et je constate, Andrew, que tes principes ostéopathiques sont résumés, dans mon esprit et dans les cours universitaires, en quelques phrases faciles ou quelques mots clés.

Je sens que proportionnellement à l’attention que je vous porte, Andrew et Ostéopathie, mon trouble intérieur grandi.

Pourtant, étudiant, j’ai un peu recherché. Il fallait que mon expérience s’enracine dans quelques principes car je ne savais pas vraiment qui tu es Ostéopathie, je savais seulement ce que mes professeurs disaient de Toi et ce que mon jeune état d’être, pouvait imaginer.

Et puis à la validation du D.O., j’ai cessé de t’écouter, Andrew, toi qui connais l’Ostéopathie. J’ai alors confondu mes nécessités de sécurité et réussite professionnelles avec ce pour quoi Tu as été initié. J’ai amalgamé mon expérience avec Tes principes profonds. J’ai oublié ! Oublié que Tu es faite pour tous et pour tout. Oublié que ce vieux docteur Still t’a confié à nous pour soigner les maux et les maladies, pour révéler que la nature est belle et merveilleuse d’ingéniosité et que l’Homme le démontre. J’ai oublié le degré d’exigence demandé dans nos connaissances et dans la confiance que nous devons avoir en toi Ostéopathie. Il n’y a pourtant aucune ambiguïté dans ton message Andrew lorsque tu nous as transmis ce qui fut surement, ton bien le plus précieux.

Il y a 20 ans, j’ai choisi d’engager une grande partie de ma vie, mon métier, pour toi Ostéopathie. J’ai décidé de dépenser plus de cinq ans et des dizaines de milliers d’euro pour m’éveiller à tes compétences. J’ai choisi, Ostéopathie, que tu me permettrais de subvenir à mes besoins, à ma famille ainsi qu’à prendre ma place et ma fonction dans la société ; et pourtant…

SI je suis inquiet pour toi Ostéopathie, c’est parce que je viens de prendre conscience de ma RESIGNATION.

À l’injonction, « Reste chez toi, il y a une médecine savante qui travaille pour sauver des gens et puis une fois terminé, tu pourras retrouver ton cabinet », j’ai obtempéré. Oui, Ostéopathie mon cœur est à la fois triste et en colère car à ce moment-là, je n’ai eu aucun ressaut interne, aucune intention de t’emmener au secours des malades. Mon ostéopathie ne s’est pas allumée.

Ostéopathie, la médecine de Santé que j’ai choisie, je t’ai mis au placard ! Andrew Taylor Still avec tes 40 ans de combat, je t’ai mis au placard ! Face à l’épidémie ma seule action aura été le confinement.

Andrew, tes explications de la science de l’Ostéopathie m’ont éclairées et depuis je suis consterné car je prends conscience que je fais erreur. Une ostéopathie de lumbago et de tête plate du nourrisson ? De névralgie diverses ? Est-ce cela, Andrew, que tu nous as transmis et dont j’ai envie ? Ostéopathie, je crois que nous sommes en train de t’abandonner doucement mais surement, effaçant ainsi ton vaste horizon.

Il est alors possible de rentrer dans des polémiques : « progrès de la médecine, autre époque, sécurité du patient… » Ou simplement de convoquer votre ostéopathie et de lui demander « qui à décider où devait se fixer la limite pour une prise en charge ostéopathique ? ».

Mais où donc, dans l’histoire de notre profession, apparaît-il une notion de diagnostic exclusion ? J’ai entendu des ostéopathes se targuer que « l’ostéopathie est morte aux USA mais est bien vivante en Europe »… Mais une Ostéopathie amputée peut elle être considéré comme bien vivante ? Alors qu’Andrew nous invite à « être philosophe et de nous établir sur le roc de la raison », nous nous inculquons une sémiologie qui permets d’éloigner le patient à chaque fois que l’Ostéopathie se doit être la belle médecine que A.T. Still nous a transmis.

Aujourd’hui des gens souffrent de fièvre, dyspnée, œdèmes pulmonaires, courbatures, d’asthénie… et que fait l’Ostéopathie ? Rien ! Et que font les ostéopathes ? Au mieux ? Ils soignent… les soignants !… (Ce qui est bien louable, merci)

Aider les gens à respirer : équilibrer leur système immunitaire pour que celui-ci ne déclenche pas une réaction invasive, favoriser la circulation veineuse et lymphatique du système pulmonaire pour drainer l’œdème, avoir une action sur les systèmes pyrétiques, soutenir le système nerveux autonome…N’y a-t-il pas dans ces quelques mots le plus merveilleux des projets de soin pour les personnes qui sont actuellement en difficultés ?

Guérir ? Je ne sais pas, mais prendre en charge ? L’Ostéopathie nous dit oui car Andrew nous a transmis une médecine qui faisait face à tout type de maladie…Que nous reste-t-il de ton combat pour la Santé ? Peut-être la plus petite partie, la plus confortable et il me semble qu’à vouloir sécuriser le patient en évoquant des diagnostics d’exclusions ou de limites, nous avons surtout voulu nous protéger.

Dans la crise actuelle, il serait possible d’évoquer le manque de matériel (masque, gel) nous empêchant de pouvoir recevoir des patients. Mais quels patients aurions-nous reçu ? Des soins pour infection virale au covid 19 ? Non, point de maladie ou si peu… principalement des algies, la patientèle habituelle (qui cependant n’a pas moins de valeur que toutes les autres maladies puisque l’Ostéopathie est pour tous et pour tout).

Enfin, qui ai-je vu sur tous les réseaux ? Le professeur Raoult, qui me fait penser à quelqu’un : sa barbe, ses solides connaissances, son aplomb et son sentiment profond d’être au service des patients plutôt que de l’ordre établi. Connaissance, éthique, clinique et chloroquine ; il n’a pas attendu qu’on lui donne sa place dans cette crise, il l’a prise ! Alors pourquoi pas toi Ostéopathie ?

Je me sens médiocre dans mon ostéopathie si je ne peux pas faire face ou bien travailler de front avec la médecine allopathique pour tous les patients. Alors pour moi, il y aura un avant et un après Covid-19. Je ne sais pas ce que j’arriverai à faire de ma vie d’ostéopathe ni ce que la vie elle-même me réserve mais au moins, dans mon intention et mon positionnement, je ne veux qu’une Ostéopathie, celle qui est pleine et entière.

Et si vous avez eu la patience de me lire jusqu’ici, j’aimerais conclure avec W.G. Sutherland. Bien au-delà de la technique, à laquelle A.T. Still accordait peu d’importance, je me réfère au clinicien, chercheur et conférencier qu’il fut. Ces mots me paraissent tous tellement, tellement, justes :

« Au cours de mes [54] années de pratique en tant que médecin ostéopathe, je n’ai jamais regretté d’avoir choisi de travailler dans ce domaine. Mon expérience professionnelle quotidienne m’a démontré cette vérité : la science de l’ostéopathie contient la clé du grand laboratoire chimique et physiologique, le corps humain, débloquant les forces vivantes et puissantes qui guérissent. À l’étudiant qui aspire à un domaine professionnel de recherche scientifique et souhaite de tout cœur rendre service à l’humanité, je dis en toute sincérité : l’ostéopathie est une occasion magnifique de le faire. » Contribution de pensée, 4e de couverture.

Stéphane de Beron, ostéopathe D.O.


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